Les plus grandes entreprises de Suisse ont un an pour contrôler les salaires de leurs collaboratrices et de leurs collaborateurs et détecter de possibles discriminations. La réforme de la loi sur l'égalité, très contestée au Parlement, entre en vigueur le 1er juillet.
Cette révision intervient trente-neuf ans après l'inscription de l'égalité entre femmes et hommes dans la Constitution fédérale. Mais elle ne permettra pas encore de mettre un terme aux écarts de salaire injustifiés entre les sexes. La version finalement adoptée par les Chambres fédérales est très peu contraignante et ne concerne que 0,9% des entreprises employant 46% des travailleurs en Suisse.
Selon les nouvelles mesures en vigueur à partir de mercredi, les entreprises d'au moins 100 salariés devront contrôler d'ici à fin juin 2021 qu'elles ne rémunèrent pas différemment leurs employés selon les sexes. Les analyses devront ensuite être répétées tous les quatre ans, sauf si le premier résultat n'indique aucun écart salarial inexplicable entre hommes et femmes.
Pas de sanctions
Aucune sanction n'est prévue. Les entreprises devront seulement informer leurs employés des résultats constatés. Le Parlement a également limité la validité du texte à douze ans. La loi devra être évaluée neuf ans après son entrée en vigueur et deviendra caduque dès le 1er juillet 2032.
Les salaires de la Confédération seront également passés à la loupe. La Confédération l'a déjà fait en 2013 et en 2018 dans les offices employant au moins 50 personnes. Comme elle tient à jouer le rôle d'exemple, elle continuera à placer le seuil à 50 collaborateurs au lieu de 100, au moins pour l'administration centrale.
Berne procédera en outre tous les quatre ans à l'analyse, quel que soit le résultat du dernier contrôle. Comme dans le secteur privé, la Confédération devra faire appel à une entreprise de révision agréée.
Les entreprises concernées par la réforme pourront en outre choisir le système d'analyse qu'elles souhaitent pour autant qu'il soit reconnu. La Confédération met à leur disposition l'instrument gratuit qu'elle a développé et que l'administration fédérale utilise déjà.
Controverse dès le départ
Le projet initial du Conseil fédéral en faveur de l'égalité salariale était un peu plus ambitieux, mais il n'avait satisfait personne dès le début. Il aurait dû s'appliquer à toutes les entreprises dès 50 collaborateurs, soit 2% des employeurs en Suisse.
Les syndicats, la gauche et les organisations féminines avaient décrié une réforme timide. La droite et les organisations patronales avaient dénoncé des mesures 'excessives, bureaucratiques et inutiles'. Face à la levée de boucliers des patrons, le Conseil fédéral avait renoncé à l'obligation de rendre public le nom des entreprises qui n'ont pas joué le jeu.
Au Parlement, ensuite, le projet a été passablement édulcoré. Premier à l'examiner, le Conseil des Etats est entré en matière, mais a renvoyé le dossier en commission pour un examen d'alternatives, dont des modèles d'autodéclaration qui n'ont finalement pas été retenus.
Les sénateurs ont donné leur feu vert ensuite, mais en atténuant les effets des mesures. Le National a lui aussi mis sa patte, estompant le projet à son tour.
Dans la Constitution
L'égalité des sexes est inscrite dans la Constitution fédérale depuis 1981. L'article sur l'égalité stipule que l'homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égal. Il garantit l'égalité de droit et de fait dans les domaines de la famille, de la formation et du travail.
La loi sur l'égalité est entrée en vigueur en1996. Elle concrétise le devoir constitutionnel dans le domaine de la vie professionnelle, interdit toute discrimination directe ou indirecte dans tous les rapports de travail et vise à assurer l'égalité des chances dans la vie professionnelle.
Selon des données publiées par le Bureau fédéral de l'égalité datant de 2016, il y a en moyenne 1455 francs ou 18% de moins par mois sur la fiche de salaire des femmes en comparaison de celles des hommes. Dans les entreprises privées, la différence avoisine même les 20% (1532 francs par mois).
Quarante-quatre pour cent de l'écart salarial restent inexpliqués et représentent une discrimination salariale potentielle liée au sexe. Lorsqu'elles sont justifiées, les différences s’expliquent par des facteurs objectifs comme la position professionnelle, l’ancienneté ou le niveau de formation.
/ATS