Les cantons obtiennent une marge de manoeuvre dans leur lutte contre le coronavirus. Le Conseil fédéral a décidé vendredi qu'ils pourront arrêter leurs industries sous conditions. Le Tessin est le premier à en faire la demande.
La situation extraordinaire dans laquelle se trouve la Suisse doit autant que possible être réglementée de manière uniforme pour l'ensemble du pays, a relevé le ministre de la santé Alain Berset lors d'une conférence de presse à Berne. 'Mais il y a évidemment des réalités différentes selon les cantons.'
Le Tessin, par exemple, est le plus touché avec 470 cas par 100'000 habitants contre seulement 145 cas par 100'000 habitants en moyenne nationale. 'C'est trois fois plus', a souligné le conseiller fédéral. La situation s'explique par une économie fortement imbriquée avec le nord de l'Italie et la présence de nombreux travailleurs frontaliers italiens dans les entreprises suisses.
Devant une situation particulièrement tendue, le Tessin a décidé la semaine passée de fermer toutes les entreprises industrielles et les chantiers sur son territoire pour limiter la propagation de la maladie. Une mesure jugée dans un premier temps illégale par le gouvernement. Ce dernier a toutefois fait marche arrière vendredi.
Inverser la logique actuelle
Les cantons pourront désormais faire une demande, sous certaines conditions, pour restreindre ou fermer les activités de certaines branches de l'économie. Des exceptions sont prévues. Les entreprises pouvant prouver qu'elles mettent en oeuvre les mesures de prévention pourront poursuivre leurs activités.
'Il s'agit d'inverser la logique actuelle', a expliqué Alain Berset. La norme nationale est de laisser les entreprises ouvertes et de ne fermer que celles ne pouvant pas respecter les mesures d'hygiène. Elle prévaut jusqu'à ce qu'un canton ait fait une demande contraire. Seul le Tessin remplit les conditions nécessaires pour l'instant, a noté le conseiller fédéral. Et de s'attendre à ce qu'il dépose une demande rapidement.
Le Tessin ne perd pas de temps
Cela n'a pas tardé. Quelques heures plus tard, le gouvernement tessinois annonçait en vidéoconférence de presse avoir adressé à Berne une 'résolution gouvernementale' en ce sens. Il attend un feu vert du Conseil fédéral samedi afin de pouvoir publier le texte dans la foulée et le faire entrer en vigueur lundi.
Pour obtenir cette dérogation, il faut notamment que le système de santé du canton concerné arrive à saturation, même après avoir obtenu le soutien d’autres cantons. Il faut aussi que les branches concernées ne soient selon toute vraisemblance pas en mesure de respecter les mesures de prévention et que leur fonctionnement soit entravé par le manque de travailleurs frontaliers.
Le canton doit encore obtenir l’approbation des partenaires sociaux. Et l’approvisionnement des établissements de santé et de la population en biens de consommation courante doit être garanti.
Durée limitée
Si les mesures prises par les cantons vont au-delà de ce qui est autorisé, le droit à l’indemnisation du chômage partiel par la Confédération sera supprimé. La légalisation de la situation au Tessin aura un effet rétroactif, a précisé Alain Berset.
La mesure sera limitée dans le temps. Le ministre de la santé n'a pas donné de durée précise. 'Mais il n'est pas question de fermer les entreprises pendant trois mois.' Alain Berset a par ailleurs rappelé que le plus important n'était pas de fermer une branche, mais le comportement individuel et le respect des mesures d'hygiène aussi bien au travail et à l'extérieur qu'à la maison.
Réactions mitigées
Les réactions à ces nouvelles mesures ont été fortement contrastées. Les organisations patronales ont salué des mesures modérées, tout en déconseillant au Conseil fédéral d'aller plus loin.
Pour Swissmechanic, la possibilité laissée aux cantons d'arrêter les industries ne doit être appliquée qu'avec 'une réserve extrême'. 'Un arrêt très prononcé de l'économie suisse entraînerait des dommages graves et durables.' L'Union patronale suisse abonde: un 'shut down' national mettrait en péril le redressement de l'économie une fois la pandémie passée.
Travail.Suisse considère comme justes les nouvelles mesures et l'implication des partenaires sociaux. Tout comme l'Union syndicale suisse. Les deux organisations se disent toutefois préoccupées que le gouvernement ne soit pas revenu sur le déplafonnement du nombre d'heures de travail dans le domaine de la santé. Le Conseil fédéral a cependant décidé que les compensations financières ou en temps doivent continuer à être accordées.
Un groupe de politiciens de gauche, de syndicalistes et d'acteurs du monde médical s'est montré plus intransigeant. Il a lancé un appel à arrêter immédiatement toute activité économique non essentielle, sauf si les employés peuvent travailler à distance ou exercer leur activité seuls. Il revendique également le renforcement des inspectorats du travail et des droits syndicaux ou encore la garantie des revenus des travailleurs.
/ATS