Constellation Brands, le propriétaire de la Corona, mise à fond sur le cannabis en injectant des milliards de dollars dans une entreprise canadienne la mieux placée pour récolter les fruits de la légalisation de cette drogue douce à travers le monde.
Le groupe de vins et de spiritueux américain va investir 4 milliards de dollars supplémentaires dans Canopy Growth, une société créée en 2013 dans une ancienne usine de chocolaterie appartenant à Hershey au sud d'Ottawa.
Cet investissement va porter sa participation au capital à 38%, selon un communiqué publié mercredi.
Le producteur de la bière Modelo, du vin Robert Mondavi et de la vodka Svedka avait déjà acquis 9,9% du spécialiste de la marijuana en octobre 2017 et pourrait même devenir l'actionnaire majoritaire s'il exerce, dans les trois prochaines années, des droits attachés à des instruments financiers négociés avec Canopy.
'Depuis l'an dernier, nous comprenons un peu mieux le marché du cannabis, l'énorme opportunité de croissance qu'il présente', justifie Rob Sands, le PDG de Constellation.
A Wall Street, le titre de Canopy Growth flambait de plus de 33% dans les premiers échanges, les investisseurs semblant apprécier cette diversification qui intervient au moment où une étude américaine, publiée par l'université d'Etat de la Géorgie (sud), montre une chute de 20% de la consommation d'alcool dans les Etats américains ayant légalisé le cannabis.
Le gouvernement canadien estime, lui, par exemple que 4,6 millions de personnes au Canada consommeraient 655 tonnes de cannabis par an, soit des dépenses estimées entre 4,2 et 6,2 milliards de dollars canadiens (2,75 à 4 milliards d'euros). Les dépenses mondiales devraient, elles, tripler d'ici 2022 à 32 milliards de dollars en 2022, calculent les cabinets spécialisés Arcview Market Research et BDS.
Une Heineken au cannabis
Constellation, comme d'autres brasseurs américains, fait le pari que la marijuana sera légalisée dans l'ensemble des Etats américains et dans de nombreux pays à travers le monde dans les prochaines années.
'Cet investissement, le plus gros à ce jour dans le secteur du cannabis, va donner les fonds nécessaires à Canopy Growth pour créer et acquérir des actifs stratégiques nécessaires pour avoir une présence importante dans environ 30 pays autorisant le cannabis à usage thérapeutique, tout en posant rapidement les jalons dans les nouveaux marchés autorisant le cannabis pour un usage récréatif', développe le groupe américain.
Pour l'instant aux Etats-Unis, la loi fédérale interdit la culture, la vente et l'utilisation de la marijuana.
La consommation récréative a néanmoins été légalisée dans huit Etats et la capitale, Washington D.C. La Californie est ainsi devenue le 1er janvier 2018 le plus gros marché légal au monde. Par ailleurs, 29 Etats autorisent l'usage médical du cannabis.
Le Canada voisin deviendra le premier pays du G7 à légaliser le cannabis, dont l'usage récréatif sera légal à partir du 17 octobre, un peu plus de trois mois après le calendrier initial, un retard dû à des complications pour la mise en place de la distribution et l'organisation des contrôles. Le marché des produits consommables à base de cannabis doit, lui, y être autorisé à compter de 2019.
Les brasseurs veulent notamment produire des boissons non alcoolisées à base de cette drogue douce, ce qui explique la multiplication des partenariats avec des producteurs de cannabis thérapeutique.
Molson Coors (Blue Moon, Coors), concurrent de Constellation, a signé récemment un partenariat avec le groupe canadien The Hydropothecary Corporation (Hexo), qui veut tripler d'ici la fin de l'année ses installations de production.
Lagunitas, une filiale de Heineken, propose depuis fin juillet une bière sans alcool infusée au cannabis, la 'Hi-Fi Hops'.
Ce vif intérêt pour les producteurs agréés de cannabis nourrit leur ascension en Bourse, leur capitalisation ayant explosé en quelques mois.
Canopy Growth, dont le nom était Tweed Inc avant son entrée en Bourse, a vu sa capitalisation boursière quadrupler. Le groupe a noué un partenariat avec Danish Cannabis pour produire à Odense (centre du Danemark) et commercialiser en Europe du cannabis à des fins médicales.
La valorisation de son concurrent canadien Aurora, qui a des filiales et des intérêts en Europe (Allemagne, Pays-Bas) et en Australie, a, elle, été multipliée par six sur un an.
/ATS