Les partis ne fournissent des informations que sur une fraction des coûts réellement investis dans les budgets de campagne. Malgré les discussions autour de l'initiative pour la transparence, il reste encore beaucoup à faire pour les élections fédérales.
De quoi provoquer le mécontentement du politologue Georg Lutz: 'Il est extrêmement problématique de ne pas savoir combien d'argent est engagé, d'où et pour quoi, c'est indigne d'une démocratie moderne'. M. Lutz avait abordé cette question lors d'une enquête postélectorale auprès des candidats aux élections de 2015, menée dans le cadre de l'étude Selects-Fors de l'Université de Lausanne. Selon l'étude, les dépenses de campagne pour tous les candidats de l'époque s'étaient élevées à 29 millions de francs.
Cette somme double et atteint même quelque 60 millions de francs si on y ajoute les dépenses de campagne des partis nationaux, cantonaux et locaux ainsi que celles des associations. Il s'agit d'une estimation très approximative, précise l'enquête. En dépenses par habitant, la Suisse se situe bien au-dessus de la moyenne internationale, selon M. Lutz.
Chiffres modestes
En comparaison, les budgets des partis représentés au Parlement pour la campagne électorale de 2019 sont modestes, selon une enquête de Keystone-ATS. Au total, ils s'élèvent à un peu plus de huit millions de francs. A noter que l'UDC n'est pas inclus dans ce chiffre: le parti ayant le plus grand nombre d'électeurs ne fournit en effet aucune information sur le montant du budget des campagnes électorales.
Parmi les partis qui fournissent des informations, le PLR a le budget électoral national le plus élevé avec 3 à 3,5 millions de francs, suivi du PDC avec un peu plus de 2 millions de francs et du PS avec tout juste 1,5 million de francs.
Pour les Verts libéraux, le budget s'élève à au moins 600'000 francs, 500'000 pour le PBD et 180'000 seulement pour les Verts. Les Verts libéraux et les Verts ont presque doublé leurs budgets électoraux par rapport aux dernières élections. Le PDB a, en revanche, réduit le sien de 100'000 francs. De son côté, le PS souhaite investir environ 100'000 de plus qu'en 2015.
Importance des partis cantonaux
S'agissant des budgets courants des partis, celui de l'UDC est plus transparent: le parti affiche des recettes de plus de 4,1 millions de francs pour 2019. Le PS dispose, lui, d'un budget ordinaire d'environ 6 millions. PLR et PDC ne divulgue, eux, aucun chiffre sur leur budget courant. Le PDC ne communique par exemple pas non plus le montant des contributions des membres, des sections cantonales, des dons individuels et ceux des entreprises.
Tous les partis rappellent toutefois qu'il faut aussi se référer aux partis cantonaux, dont ils ne disposent pas des budgets des campagnes électorales. A cela s'ajoutent encore d'autres contributions et dons et, surtout, l'engagement particulier de chaque candidat.
L'UDC estime par exemple que le montant qu'un candidat doit dépenser pour avoir une chance d'être élu se situe entre 30'000 et 80'000 francs.
Un tiers de sa poche
Les Verts citent pour leur part deux exemples très différents. La conseillère nationale genevoise Lisa Mazzone n'a dépensé qu'environ 150 francs en timbres pour sa campagne électorale de 2015. Le reste a été payé par la section cantonale. En 2011, le Zurichois Balthasar Glättli a dépensé 84'000 francs pour sa campagne pour le National et le Conseil des Etats, dont 35'000 francs de sa poche.
Selon l'étude Selects-Fors, lors des dernières élections de 2015, les élus ont investi en moyenne près de 40'000 francs pour leur campagne électorale. Les candidats y déclarent qu'environ un tiers des coûts ont été payés de leur poche.
David contre Goliath
L'argent joue clairement un rôle majeur dans la campagne électorale et les petits partis sont sans surprise lésés. 'En tant que petit parti, c'est comme si vous luttiez en tant que PME contre des multinationales', illustre le PDB.
Les Verts se montrent plus nuancés. Ils soutiennent que même des budgets modestes peuvent conduire à des votes et à des élections réussies. 'Malheureusement, l'argent garde un poids considérable car la visibilité publique est 'achetée' à un prix élevé par certains partis', soulignent les Verts. En Suisse, l'argent joue un rôle encore plus décisif car il n'y a pas d'exigences de transparence, ajoutent-ils.
Mais l'argent ne fait pas tout, selon les partis. Dans l'enquête postélectorale de 2015, leurs responsables ont tous souligné l'importance de l'engagement des membres, qui ne peut être compensé par aucune contribution financière. Les partis se fient donc aussi au bouche-à-oreille, au porte-à-porte, aux appels téléphoniques et à l'utilisation des réseaux sociaux.
/ATS