Le Matin papier disparaît: jusqu'à 41 suppressions de postes

Après 125 ans d'histoire(s), le journal Le Matin va cesser de paraître dès le 21 juillet, a ...
Le Matin papier disparaît: jusqu'à 41 suppressions de postes

Le Matin papier disparaît: 41 personnes sur la sellette

Photo: KEYSTONE/VALENTIN FLAURAUD

La version papier du journal Le Matin paraîtra pour la dernière fois le 21 juillet. L'avenir du quotidien romand s'écrira désormais uniquement sous forme numérique. Jusqu'à 41 personnes sont menacées dans leur emploi. Le personnel est sous le choc.

Le couperet est officiellement tombé, après des mois de rumeurs et des années de pertes financières: après 125 ans d'histoire(s), le quotidien payant le plus lu de Suisse romande va cesser de paraître le samedi 21 juillet, après le Paléo et le Mondial de football. Il deviendra le premier quotidien suisse à faire le pas du tout numérique.

Cette restructuration impactera 'au maximum 41 personnes, dont 24 dans la rédaction', a annoncé jeudi l'éditeur Tamedia. 'Ce seront soit des licenciements, soit des réductions du temps de travail', a expliqué Patrick Matthey, responsable de la communication pour la Suisse romande. Le Sport-Center, agence interne de Tamedia pour le sport, sera aussi touché. Mais pas du tout le Matin Dimanche.

Patrick Matthey ne donne pas de détails pour l'instant. 'Une procédure de consultation vient d'être lancée. Nous donnerons des chiffres lorsque nous serons au bout du processus', a-t-il ajouté.

Selon des chiffres diffusés à l'interne, 16 personnes seraient touchées dans la rédaction du Matin, 8 au Sport-Center et 17 dans le secteur TES (production, édition et technique). Les licenciements seraient prévus pour la fin juin.

Les employés étaient sous le choc jeudi après cette annonce. Ils vont contester l'ampleur des licenciements - 41 personnes - et lutter pour obtenir les meilleures conditions possibles pour les personnes qui seront finalement touchées. C'est 'l'incompréhension' de voir Tamedia, qui obtient de bons résultats financiers, 'licencier autant de monde que ça', a expliqué Eric Felley, co-président de la société des rédacteurs du Matin.

Rédaction de 15 personnes

Le Matin continuera avec une rédaction d'environ 15 personnes qui collaborera étroitement avec le Sport-Center et le Newsexpress de Tamedia, ainsi que le réseau du gratuit 20 Minutes. Les collaborateurs du quotidien orange sont appelés à postuler pour la nouvelle rédaction numérique du Matin.

Le rédacteur en chef actuel s'en va. Sur les réseaux sociaux, Grégoire Nappey explique qu'il 'n'a pas souhaité conduire ce projet' pour être 'cohérent avec ses convictions'. Il assurera jusqu'au 21 juillet la transition avec Laurent Siebenmann, qui sera le nouveau rédacteur en chef du Matin online. Ce dernier a débuté sa carrière dans les radios privées en Suisse romande. Il a rejoint la rédaction du Matin en février 2015.

Le titre ne changera pas de ligne. 'Le Matin restera Le Matin', a assuré Laurent Siebenmann. 'Il restera un peu provocateur, axé sur les faits divers, le sport et le divertissement', a-t-il ajouté. Le matin.ch vise un public-cible de 35 à 55 ans. Il sera complémentaire de 20 Minutes qui compte sur le lectorat des 15-35 ans.

Pertes financières

Les pertes financières auront eu raison de l'édition papier du journal de boulevard. 'Nous enregistrons des pertes importantes depuis plus de 20 ans. Et elles ont augmenté ces dernières années', a expliqué Patrick Matthey. En 2017, la marque a perdu 6,3 millions de francs, et près de 34 millions au cours des dix dernières années.

Le matin.ch sera un produit 100% gratuit, a assuré M. Matthey. Le média devra tirer l'entier de ses revenus de la publicité. Le modèle économique a été analysé et jugé viable. 'On espère très fortement développer les recettes publicitaires sur internet', a renchéri Laurent Siebenmann.

Si Tamedia opte pour le tout numérique, c'est aussi parce que 'le mode de consommation des lecteurs a changé', a ajouté le porte-parole. 'Cette décision est douloureuse pour les collègues, mais c'était pour nous une évidence de basculer le journal sur le numérique', a-t-il ajouté.

Moins de lecteurs

Le lectorat du quotidien - imprimé à près de 38'000 exemplaires pour 218'000 lecteurs- s'érodait année après année. Le quotidien orange, qui était beaucoup lu dans les bistrots, a perdu plus de 80'000 lecteurs en dix ans sous l'effet notamment de la concurrence des gratuits 20 minutes et Le Matin bleu, ce dernier ayant lui-même disparu en 2009. Quant aux revenus publicitaires, ils ont reculé de 42% en 10 ans.

Les collaboratrices et collaborateurs touchés seront mis au bénéfice de mesures d'accompagnement dans le cadre d'un plan social. La direction a demandé à rencontrer dès vendredi la représentation des employés accompagnée du syndicat Impressum, afin de démarrer la procédure de consultation.

Réactions véhémentes

Les syndicats ont réagi avec véhémence. L'annonce de Tamedia survient alors qu'une procédure est en cours devant l'Office de conciliation vaudois pour sauver Le Matin papier et demander un gel des licenciements sur deux ans. Pour Impressum et syndicom, l'éditeur zurichois se conduit comme le 'croque-mort' de la diversité de la presse en Suisse romande.

L'éditeur zurichois poursuit son approche 'purement orientée vers le profit' et considère le journalisme comme 'une activité uniquement lucrative', critique le Parti socialiste dans un communiqué. Pour le PS, cette disparition est une raison supplémentaire pour appuyer sa demande visant à créer des possibilités de soutien à la presse écrite dans la nouvelle loi sur les médias. Cette dernière sera bientôt mise en consultation par le Conseil fédéral.

La présidente du gouvernement vaudois Nuria Gorrite a annoncé que le Conseil d'Etat a immédiatement sollicité une entrevue avec la direction de Tamedia. 'Tamedia, société qui fait des bénéfices, tire la prise d'un titre populaire, l'un des derniers quotidiens romands. C'est une coupe dans l'identité romande', a-t-elle déclaré.

Interrogée sur les ondes de la RTS, la conseillère fédérale Doris Leuthard a elle estimé que la décision de Tamedia pourrait être une réponse aux changements des habitudes des clients, tout en rappelant que la diminution de la diversité de la presse préoccupait le Conseil fédéral.

/ATS
 

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