La Cour européenne des droits de l'homme (Cour EDH) a condamné la Suisse dans deux arrêts publiés mardi. Ces affaires concernent une détention pour motifs de sûreté et l'obligation imposée à une journaliste de communiquer ses sources.
Les juges de Strasbourg estiment que la Suisse a violé l'article 5 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) en maintenant en détention un ressortissant turc après son acquittement en première instance.
Risque de fuite
L'homme était accusé de viols multiples par sa partenaire. Le Ministère public avait fait recours contre l'acquittement et demandé qu'il reste à l'ombre. Saisi à son tour, le Tribunal fédéral avait rejeté la première demande de libération.
Il estimait que l'homme risquait une lourde peine de prison et qu'il pouvait aisément s'y soustraire en retournant en Turquie. Le recourant était resté en prison entre son acquittement le 16 avril 2015 et sa libération le 2 décembre de la même année.
La Cour EDH rappelle que, selon l'article 5, la détention prend fin avec l'acquittement, même en première instance. Le droit national devrait prévoir des mesures moins incisives que la privation de liberté pour garantir la présence d'un prévenu lors de la procédure d'appel. La crainte générale de nouvelles infractions n'est pas suffisamment concrète pour relever des cas de détention prévus à l'article 5.
La Suisse devra payer 25'000 euros pour tort moral et 7000 euros de frais et dépens au recourant qui a subi une atteinte à sa liberté.
Intérêt public prépondérant
Dans la seconde affaire, la Suisse a été condamnée pour violation de l'article 10 CEDH (liberté d'expression). La recourante est une journaliste obligée de témoigner dans le cadre d'une enquête pénale. Les autorités lui avaient demandé de révéler ses sources à la suite d'un article sur un vendeur de drogues douces publié en 2012 dans la 'Basler Zeitung'.
Le Tribunal fédéral avait estimé que l'intéressée ne pouvait pas invoquer le droit de refuser de témoigner car le trafic de drogues douces est une infraction qualifiée. Il concluait que l'intérêt public à poursuivre une telle infraction l'emportait sur celui à protéger une source.
Pour Strasbourg, l'obligation faite à un journaliste de révéler l'identité de sa source est conforme à l'article 10 uniquement si elle répond à un intérêt public prépondérant. Il en va de l'importance de la protection des sources pour la liberté de la presse dans une société démocratique.
En l'espèce, il ne suffit pas que l'infraction soit classée dans une catégorie ou dans une autre pour justifier une telle ingérence. Il convient plutôt de vérifier qu'elle est nécessaire dans l'affaire en cause.
Or le Tribunal fédéral s'est référé à la pesée des intérêts faite en général et dans l'abstrait par le législateur. Son arrêt ne permet donc pas de conclure que l'obligation imposée à la recourante répondait en l'occurrence à un intérêt public prépondérant. (requêtes No 60202/15 et 35449/14)
/ATS