Greg Kelly, ancien collaborateur de Carlos Ghosn chez Nissan accusé comme lui de malversations financières, a plaidé mardi non coupable à l'ouverture de son procès à Tokyo. Il comparaît sans son ancien patron, en fuite au Liban.
'Je pense que les éléments attesteront que je n'ai pas violé les règles' boursières japonaises, a notamment déclaré M. Kelly à l'ouverture du procès, le jour de son 64ème anniversaire. Il était arrivé peu avant au tribunal accompagné de trois de ses avocats, portant un masque et un costume gris anthracite.
Son procès doit durer environ dix mois et intervient près de deux ans après son arrestation au Japon, qui avait eu lieu le même jour que celle de M. Ghosn.
L'ancien grand patron de Renault et Nissan ayant échappé à la justice japonaise, M. Kelly se retrouve en première ligne dans ce procès, au côté du groupe japonais, poursuivi en tant que personne morale. Un représentant de Nissan a confirmé mardi au procès que le groupe allait plaider coupable.
Jusqu'à dix ans de prison
M. Kelly et Nissan sont accusés d'avoir illégalement et sciemment omis de mentionner dans les rapports boursiers annuels du constructeur automobile de 2010 à 2018 une rémunération totale d'environ 9,2 milliards de yens (78 millions de francs) que M. Ghosn était censé toucher plus tard.
M. Kelly clame son innocence depuis le début de l'affaire. 'Je n'ai rien fait de mal', avait-il réaffirmé dans un entretien à l'AFP début septembre. Sur ces paiements différés, 'Carlos Ghosn n'a jamais perçu quoi que ce soit et n'a jamais obtenu la promesse de quoi que ce soit', avait-il ajouté.
M. Kelly avait été libéré sous caution à Noël 2018, après plus d'un mois de détention provisoire, mais avec l'interdiction de quitter le Japon dans l'attente de son jugement. Il encourt jusqu'à dix ans de prison.
Ses avocats ont toutefois confié à l'AFP avoir bon espoir qu'il soit acquitté, malgré le taux de condamnation extrêmement élevé (plus de 99%) dans les affaires pénales au Japon.
Témoins apeurés
Nissan et le parquet assurent avoir accumulé des preuves selon lesquelles ces paiements futurs avaient été garantis à M. Ghosn. Ils auraient donc dû être déclarés dans les rapports du constructeur automobile, en vertu des règles boursières japonaises.
Les enquêteurs ont amassé une somme astronomique de documents dans ce dossier. La défense de M. Kelly se plaint toutefois de n'avoir eu accès qu'à une fraction de ces pièces.
Autre désavantage de taille: 'Des témoins étrangers très utiles pour M. Kelly n'ont pas confiance dans le système judiciaire japonais', craignant de tomber dans un piège et d'être arrêtés dès leur arrivée au Japon, comme M. Kelly fin 2018, a récemment déploré l'un de ses avocats, James Wareham, interrogé par l'AFP. 'Ils ont peur. Ils ne viendront pas témoigner au Japon', a-t-il ajouté.
Le parquet et le tribunal ont par ailleurs rejeté la demande du camp Kelly d'autoriser des témoins à être auditionnés hors du Japon par vidéoconférence.
La requête de M. Kelly de pouvoir bénéficier d'une traduction simultanée des débats d'audience a également été refusée. Le choix imposé d'une interprétation consécutive a pour effet d'allonger considérablement la longueur du procès, selon sa défense.
Amendes déjà payées
Nissan a déjà accepté fin 2019 de payer une amende de 2,4 milliards de yens (20 millions de francs) à l'Agence japonaise des services financiers (FSA) pour avoir omis de mentionner les paiements différés de M. Ghosn.
Le constructeur japonais a aussi déjà accepté de payer 15 millions de dollars (13,6 millions de francs) aux Etats-Unis dans un accord à l'amiable avec les autorités américaines sur le même dossier.
M. Ghosn, qui comme M. Kelly clame son innocence sur toute la ligne, avait accepté de payer 1 million de dollars (900'000 francs) aux mêmes autorités américaines pour éviter d'être poursuivi aux Etats-Unis sur ce même volet de l'affaire. M. Kelly avait pour sa part accepté de payer une amende de 100'000 dollars (90'600 francs).
/ATS