A Genève, le Département du territoire n'accordera plus de dérogations pour les projets de densification en zone villas. Ce moratoire vise à arrêter 'une fuite en avant' qui débouche sur un développement non-coordonné.
'La dérogation en vigueur depuis 2013 est finalement devenue la règle', a déploré jeudi devant les médias le chef du Département du territoire (DT) Antonio Hodgers. 'Il ne s'agit pas de fermer la porte à la construction de logements, mais d'être plus exigeant sur la qualité', a ajouté le conseiller d'Etat.
Ce gel des dérogations concerne 89% de la zone villas, soit la partie qui est appelée à rester dans cette typologie selon le plan directeur cantonal. La règle prévoit un indice d'utilisation du sol de 0,25 pour cette zone, avec une possibilité de déroger sous conditions jusqu'à 0,6 pour les grandes parcelles.
160 hectares consommés
En cinq ans, les projets déposés sur la base de cette dérogation ont triplé. 'Il y a un emballement pour cette disposition législative', constate M.Hodgers. De 115 requêtes en autorisation de construire pour environ 460 logements construits ou en construction en 2014, 151 requêtes on été enregistrées en 2018, ce qui correspond à 1300 logements.
'Au total, 160 hectares ont été consommés', précise M.Hodgers. Six communes de la rive gauche sont particulièrement touchées, soit Veyrier, Thônex, Chêne-Bougeries, Collonge-Bellerive, Vandoeuvres et Thônex. 'Les promoteurs peuvent faire ce qu'ils veulent dans ces périmètres: c'est un marché libre en partie spéculatif', a relevé le chef du DT.
'Architecture banale'
Des villas contiguës alignées et des habitats groupés, soit des petits immeubles de deux étages sur rez, sortent de terre. Il s'agit souvent d'architecture banale, voire pauvre, selon M.Hodgers. Il déplore aussi une augmentation importante du nombre de voitures, un morcellement du territoire, une diminution de la qualité paysagère et une imperméabilisation du sol extrême.
Le gel des dérogations devrait durer entre un et deux ans, a précisé M.Hodgers. Le temps pour le canton de mieux définir les conditions-cadre pour densifier ces zones de manière qualitative. Les communes devront mettre à jour leurs plans directeurs. Un groupe de travail canton-communes planchera notamment sur les impacts en termes d'équipements.
Cette pause qui s'applique dès jeudi ne concerne pas les dossiers qui ont déjà été déposés. Elle permettra aussi de faire un bilan d'un guide des bonnes pratiques établi en 2017 par le canton. Ce document avait été rédigé pour tenter de mieux encadrer ce type de construction en zone villas. Mais ses effets concrets sur les constructions se font attendre.
Coup de frein
Le gel annoncé par le canton fait bondir la Chambre genevoise immobilière (CGI). Ce moratoire porte atteinte à la lutte contre la pénurie de logements, déplore l'association des propriétaires dans un communiqué. En privant les entreprises locales de chantiers, cette mesure porte un énorme coup à l'économie, ajoute la CGI qui étudie la possibilité de faire recours contre cette mesure.
A noter que 11% de la zone villas ne sont pas concernés par le moratoire. Ces parcelles bien desservies par les transports publics sont appelées à être urbanisées. Elles font l'objet de plans localisés de quartier, à l'instar des 22,6 hectares de zone villas à Cointrin sur lesquels la population devra se prononcer en février prochain.
Ce coup de frein au développement annoncé jeudi fait écho au signal envoyé dimanche par la population lors des votations cantonales. Les citoyens ont dit non à la densification du coeur du Petit-Saconnex ainsi qu'au projet du Pré-du-Stand au Grand-Saconnex. Le chef du Département des infrastructures, Serge Dal Busco, avait relevé que la qualité devait désormais passer au premier plan.
/ATS