Le Premier ministre britannique Boris Johnson et le chef de l'opposition travailliste Jeremy Corbyn se sont écharpés mardi soir sur le Brexit, pour leur premier débat télévisé. Chacun espère grappiller quelques voix avant les législatives du 12 décembre.
'Mettons fin aux tergiversations et aux retards, à l'impasse et aux divisions', a martelé le chef du gouvernement conservateur. Celui qui est arrivé au pouvoir fin juillet a fait miroiter à plusieurs reprises sa promesse de campagne de 'réaliser le Brexit', trois ans et demi après le référendum de juin 2016 qui a vu les Britanniques voter à 52% pour quitter l'UE.
Il compte sur le scrutin pour obtenir une majorité au Parlement permettant de faire voter l'accord de sortie de l'Union européenne qu'il a laborieusement négocié avec Bruxelles. 'Dès que nous ferons passer cet accord au parlement, et nous pouvons le faire dans les prochaines semaines, nous pouvons nous attaquer aux priorités du peuple', a avancé M. Johnson.
Le chef du gouvernement s'engage à quitter l'UE d'ici fin janvier, puis à nouer un nouvel accord commercial avec l'UE avant la fin d'une période de transition prévue jusqu'en décembre 2020, un calendrier qualifié d''absurde' par son rival.
'Sept ans de négociations'
'Vous n'allez pas le faire en quelques mois et vous le savez parfaitement bien', a attaqué M. Corbyn. Lui estime qu'il lui faudrait 'probablement sept ans de négociations pour conclure un accord commercial', soit bien plus que la période de transition prévue.
Documents en main, Jeremy Corbyn a en outre accusé Boris Johnson de mener des 'réunions secrètes' avec les Etats-unis pour ouvrir en partie à des entreprises pharmaceutiques américaines le service public de santé, le NHS, chéri des Britanniques. 'Une invention absolue ', s'est défendu avec véhémence Boris Johnson.
Le leader conservateur l'a attaqué en retour sur son point faible: ses hésitations sur le Brexit. C'est 'très clair', lui a rétorqué M. Corbyn: 'trois mois pour négocier un accord de Brexit' et 'six mois pour (organiser) un référendum' qui soumettra aux Britanniques ce nouvel accord ou l'option de rester finalement dans l'UE.
Le chef du Labour, eurosceptique de longue date, a toutefois refusé de dire s'il défendrait le Brexit ou le maintien dans l'Union européenne en cas de nouveau référendum. Et d'indiquer simplement qu'il se plierait à la volonté du peuple.
Rires du public
Mais l'attaque la plus brutale est sans doute venue d'un spectateur accusant les deux hommes politiques d'abaisser le niveau du débat et se demandant comment on pouvait leur faire confiance. Autre humiliation pour les candidats: le public, qui comptait des soutiens des deux camps, s'est moqué de chacun d'eux, riant ouvertement à certains de leurs propos.
Sur les réseaux sociaux aussi, les deux camps s'affrontaient, voyant chacun leur candidat gagnant. Le compte twitter des conservateurs, rebaptisé 'factcheck UK' (le fact-checking étant la vérification de l'information par des tiers) à l'occasion du débat télévisé était très critiqué sur les réseaux sociaux pour cette dénomination pouvant porter à confusion.
Le débat, qui a duré une heure, était la première confrontation opposant les chefs des deux principaux partis politiques britanniques à la télévision, un tête à tête organisé au grand dam de partis plus petits comme le Parti libéral-démocrate et les nationalistes écossais du SNP. Tous deux europhiles, ces partis regrettaient que la voix du camp 'Remain' ne soit pas entendue. C'est pourtant du score des plus petites formations politiques que pourrait dépendre le prochain paysage politique britannique.
Issue imprévisible
Dans cette campagne marquée par une surenchères de promesses coûteuses, les conservateurs arrivent pour l'instant largement en tête des sondages avec 42% d'intentions de vote, devant le Labour (30%) selon un sondage YouGov pour The Times publié mardi après-midi.
Malgré cette nette avance, les politologues soulignent que l'issue du scrutin reste imprévisible.
Un sondage réalisé par YouGov juste après le débat télévisé plaçait d'ailleurs Boris Johnson et Jeremy Corbyn au coude à coude (51% contre 49%).
Le prince Andrew
Si le Brexit a monopolisé une bonne partie des débats, les candidats ont aussi été interrogés sur les services publics, l'économie, l'environnement et même... le prince Andrew.
Le second fils de la reine Elizabeth II a fait la Une des médias britanniques après une interview télévisée calamiteuse sur ses relations avec le financier américain Jeffrey Epstein qui était accusé d'avoir exploité sexuellement des jeunes filles mineures des années durant et s'est suicidé en prison.
'Il y a des questions très très graves auxquelles des réponses doivent être apportées', a déclaré M. Corbyn, exprimant ses pensées pour les victimes. 'Toutes nos sympathies vont aux victimes', a renchéri M. Johnson', qui estime que 'la justice doit suivre son cours'.
/ATS