Début de dénouement pour les sept binationaux turco-suisses retenus en Turquie: dès la levée de l'état d'urgence décidée par Ankara, soit le 18 juillet, ils pourront à nouveau voyager et rentrer en Suisse.
Les passeports de ces sept doubles nationaux avaient été annulés dans le cadre de mesures administratives prises à la suite du coup d'État manqué, a expliqué l'ambassadeur de Turquie en Suisse Ilhan Saygili devant la presse à Berne. Ils ne pouvaient dès lors plus quitter la Turquie, mais étaient libres de se mouvoir à l'intérieur du pays.
Avec la levée de l'état d'urgence adopté peu après la tentative de putsch de juillet 2016, les binationaux recouvreront leur liberté, a affirmé le représentant turc. Ils pourront, s'ils le souhaitent, rentrer en Suisse, assure-t-il.
Interrogé sur les raisons de leurs restrictions de mouvement, l'ambassadeur n'a pas établi de lien direct avec le prédicateur Fethullah Gülen, à qui a été imputé le coup d'État manqué. Il s'est contenté de souligner que tous les passeports annulés lors de cette période l'ont été en raison de 'points d'interrogation' sur les relations entre leurs détenteurs et les réseaux gülénistes.
D'autres personnes, dont plusieurs Turcs domiciliés en Suisse, sont en effet retenues sur sol turc pour des raisons identiques. Certaines d'entre elles sont même derrière les barreaux.
Interrogé par Keystone-ATS, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) 'salue la levée prochaine de l'état d'urgence en Turquie et s'attend à ce que celle-ci soit rapidement accompagnée de la levée complète des restrictions concernant des droits fondamentaux qui étaient liées au décret de l'état d’urgence'.
Traque à l'étranger
A la suite de la tentative de putsch, les autorités turques ont lancé des purges d'une ampleur sans précédent contre les partisans présumés de Fethullah Gülen, mais aussi des opposants prokurdes et des journalistes critiques. Quelque 77'000 personnes ont été incarcérées et plus de 150'000 limogées ou suspendues.
Et les autorités ne se sont pas arrêtées là. Les services secrets ont traqué les supposés soutiens du prédicateur, qui a toujours nié toute implication et vit actuellement en exil aux Etats-Unis, jusqu'au-delà de leurs frontières.
Pas plus tard que jeudi, l'agence de presse officielle Anadolu a annoncé que deux membres prétendus des réseaux gülénistes avaient été rapatriés d'Ukraine et d'Azerbaïdjan. D'autres soutiens supposés de M. Gülen ont été ramenés du Kosovo. Des actions légales menées en collaboration avec les services secrets des pays concernés, a justifié Ilhan Saygili.
Tentative de rapt en Suisse
En Suisse, deux anciens employés de l'ambassade de Turquie à Berne sont sous le coup d'un mandat d'arrêt national du Ministère public de la Confédération (MPC) pour soupçon d'espionnage et tentative de rapt. Ils auraient essayé d'enlever un homme d'affaires suisse pour le livrer en Turquie.
L'ambassadeur turc a reconnu qu'une enquête était en cours. Il a toutefois souligné qu'aucun fait n'avait encore été prouvé. Si les deux anciens employés de l'ambassade turque à Berne ont quitté le territoire helvétique, c'est uniquement parce qu'ils ont terminé leur mission, a-t-il précisé.
Plusieurs voix s'étaient cependant levées en Suisse pour dénoncer les tentatives d'espionnage turques. A l'image de la secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères Pascale Baeriswyl qui avait vivement condamné ces pratiques en mars. 'Nous ne pouvons pas accepter que quelqu'un s'adonne à l'espionnage chez nous, ni à une quelconque autre activité de renseignement.'
Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) suit de son côté de près la situation, a indiqué une porte-parole à Keystone-ATS. 'Si besoin est, des mesures seront prises'.
Fermetures d'institutions
Lors du point de presse, donné à l'occasion du deuxième anniversaire du coup d'État manqué, M. Saygili s'est également réjoui des avancées dans la lutte contre les réseaux gülénistes dans le monde. Il a tout particulièrement souligné le recul de leurs institutions, dont des centaines ont soit fermé leurs portes soit été transférées à d'autres organisations.
Un recul dont il attribue le mérite aux interventions répétées du président Recep Tayyip Erdogan auprès des autorités des différents pays. Des pressions, non nommées ainsi par l'ambassadeur, qui se ressentent jusqu'en Suisse. Une école zurichoise, inspirée en partie par la pensée de M. Gülen, a décidé de fermer ses portes.
/ATS