Un mât flottant, attraction qui avait fait les beaux jours des Bains d'Ouchy entre 1929 et 1939 avant de disparaître, a été extrait du lac mercredi à Lausanne. Il rejoindra à Nyon le Musée du Léman et son exposition 'Plouf, une histoire de la baignade dans le Léman'.
Cette sphère métallique d'environ deux mètres de diamètre et lestée d'eau a fait fureur avant-guerre. Un mât de cinq mètres de hauteur, pourvu d'échelons, y était fixé. Les baigneurs pouvaient grimper et se balancer sur l'installation qui, tel un culbuto géant, se redressait toujours et revenait à la verticale en oscillant.
Besoin pressant
A la faillite de l'établissement, l'installation disparaît. Cinquante ans plus tard, le 24 août 1989, le scientifique Jacques Piccard et le pilote du sous-marin F.A. Forel Roger Thiébaud emmènent l'artiste Grace Jones explorer les profondeurs du Léman. Par hasard, le trio tombe sur l'immense sphère, sans se douter qu'il s'agit du fameux mât flottant.
Le pilote et Jacques Piccard sont très intéressés par l'objet et auraient voulu noter son positionnement. Mais Grace Jones fait alors part d'un besoin pressant et l'équipage remonte précipitamment, la chanteuse n'ayant pas voulu se contenter des moyens du bord.
122 mètres de profondeur
Au détour d'une conversation en 2016 qui se tient pendant les préparatifs de l'exposition 'Plouf', Roger Thiébaud rapporte la découverte de l'époque à Lionel Gauthier, conservateur du Musée du Léman. Gilbert Paillex, spécialiste en recherches subaquatiques est mandaté par le musée pour retrouver l'objet.
Après plusieurs mois de recherche à l'aide de sondeurs et de son robot subaquatique, l'expert retrouve le mât flottant le 24 avril 2017. Il repose par 122 mètres de profondeur au large de Vidy.
A l'initiative du Musée du Léman, une délicate opération d'émersion est alors lancée. Dans un premier temps, l'institution nyonnaise a dû obtenir l'autorisation du canton de Vaud, propriétaire de tout ce qui se trouve dans sa partie du lac.
Jamais deux sans trois
Puis les travaux ont été assurés par Gilbert Paillex et le plongeur Pierre Martin. Ces derniers ont commencé par fabriquer les dispositifs nécessaires à l’émersion. La procédure consiste à fixer un ballon à l’objet à l’aide d’un robot, puis à gonfler ce ballon au moyen de bonbonnes stockées sur un bateau pour faire remonter l’objet à la surface.
Deux tentatives d’émersion du mât flottant ont déjà été tentées, les 7 et 14 juin, mais ont échoué suite à la rupture d’un câble. Lors de la seconde tentative, le mât, qui était posé sur le fond et recouvert de vase, s’est redressé.
Plus compliqué que prévu
Mercredi, l'opération s'est révélée plus compliquée que prévu, a expliqué Lionel Gautier à l'ats. La semaine précédente, une seule face du mât avait pu être inspectée, l'autre se trouvant dans la vase.
De l'air a été injecté pour que la boule sorte de l'eau, mais l'autre face était passablement trouée. Il a donc fallu tracter la sphère jusqu'à la grue au port d’Ouchy et la soulever tout lentement pour éviter qu'elle ne se casse.
'C'est réussi, elle est sanglée pour être transportée par camion. On va l'inspecter pour voir son état de conservation', a poursuivi le conservateur. La boule sera ensuite exposée dans la cour du Musée du Léman dans le cadre de l'exposition Plouf qui a débuté en avril dernier et dure jusqu'en septembre 2018.
Avenir incertain
L'objet, d'un poids estimé entre 400 et 500 kilos, a passablement souffert. Il y a davantage de fuites que ce que l'on imaginait, des galets se sont incrustés, a souligné le conservateur.
Il faudra voir s'il est possible de stabiliser ce mât sur le long terme. Il est en tout cas emblématique de l'histoire de la baignade qui disparaît dans les limbes du temps et dont il ne reste que peu de patrimoine, a-t-il ajouté.
'Il s'agit d'une superbe découverte, on aurait de la peine à imaginer un tel mât aujourd'hui pour des questions de sécurité', a relevé pour sa part Daniel Rossellat, syndic de Nyon. Elle comprend tous les ingrédients d'une belle histoire cocasse, qui enrichit l'exposition, s'est-il réjoui.
/ATS