Le Tribunal fédéral fait un pas en faveur des personnes atteintes de troubles psychosomatiques. Celles-ci pourraient avoir plus facilement accès à l'AI. Un arrêt du TF met fin à la jurisprudence actuelle souvent restrictive. Une décision saluée.
'Il s'agit d'une petite révolution dans le milieu de la défense des victimes', a indiqué mercredi à l'ats Pierre Seidler, avocat jurassien spécialisé dans les assurances sociales. L'homme de loi ne pensait pas que le Tribunal fédéral (TF) allait changer de pratique aussi rapidement.
Jusqu'à présent, certains patients souffrant de troubles 'non objectivables' comme la fibromyalgie ou le 'coup du lapin' n'avaient pas droit aux prestations de l'assurance invalidité (AI) car la Haute Cour présumait que la douleur ressentie pouvait être surmontée par un effort de volonté. Avec l'arrêt du TF, ces pathologies ne sont désormais plus considérées comme non invalidantes, ce qui ouvre plus largement la porte aux prestations de l'AI.
Justice à l'écoute
'Il conviendra plus qu'avant de tenir compte des effets de l'atteinte à la santé sur les aptitudes de la personne concernée à exercer son travail et les fonctions de la vie quotidienne', souligne le TF. La capacité de travail du patient doit être déterminée sur la base d'une vision d'ensemble à la lumière des circonstances du cas particulier et sans résultat prédéfini, poursuit-il.
Pour l'Organisation Suisse des Patients (OSP), en proposant une justice plus individualisée, le TF va dans la bonne direction. 'Les patients seront ainsi mieux entendus. Cela donne également de l'espoir à tous ceux qui se sentaient incompris du système', précise Anne-Marie Bollier, porte-parole de l'OSP.
Si elle salue l'adaptation, l'association en faveur des personnes avec un handicap Procap Suisse exige cependant que les cas précédents soient réévalués. Selon elle, la nouvelle pratique met fin à une différence de traitement par rapport aux autres maladies.
Un constat confirmé par les offices fédéraux des assurances sociales (OFAS) et de la santé publique (OFSP). Cette modification permet une égalité dans l'évaluation de toutes les pathologies, souligne Stefan Ritler, vice-directeur de l'OFAS et chef du domaine de l'AI.
Nouvelle expertise
'Avec l'ancienne pratique, beaucoup d'individus se retrouvaient sur le carreau sans assurance invalidité, ni même accident', souligne Pierre Seidler. Les patients devaient alors mener de longues procédures judiciaires sans garantie qu'elles aboutissent en leur faveur. Considérant cette manière de procéder comme peu favorable aux malades, l'homme de loi avait mandaté une expertise médicale allemande afin d'y mettre fin.
L'avocat zougois David Husmann a, par la suite, porté devant la justice fédérale le cas d'une mère de six enfants qui, après avoir dû arrêter son activité de cuisinière, demandait une rente AI en raison de douleurs lombaires, d'insomnies et d'épuisement. La Haute Cour lui a donné raison, dans un arrêt rendu public mercredi. Son cas devra être réexaminé par le Tribunal administratif du canton de Zoug, qui se voit contraint de requérir une nouvelle expertise.
Diagnostic renforcé
'Pour motiver sa décision, le TF renvoie notamment à l'expertise allemande commandée par Pierre Seidler, se félicite ce dernier. 'Auparavant, les experts médicaux en charge d'évaluer les demandes d'AI se basaient souvent sur la jurisprudence du TF pour motiver leur refus de prestations', soutient-il. Ils vont maintenant bénéficier d'une plus grande liberté pour poser leur diagnostic.
Quant à savoir si la nouvelle donne va accroître le nombre de bénéficiaires de l'AI, difficile d'y répondre. 'Cela va dépendre de la mise en oeuvre de la nouvelle jurisprudence', déclare Pierre Seidler.
En 2009, la Confédération avait tablé sur une diminution de 4500 du nombre de ces rentes, suite à l'introduction de la révision 6a de l'assurance invalidité qui en restreignait l'accès. Après deux ans et l'examen de 80'000 dossiers, seules 500 ont été supprimées.
Du côté de l'OFAS, on n'attend cependant pas de dépenses supplémentaires. Avec les offices AI cantonaux, 'les spécialistes doivent maintenant édicter les lignes directrices en la matière', conclut Stefan Ritler.
/ATS