Le Conseil des Etats octroiera un 'nouveau milliard de cohésion' à l'Union européenne. Mais il a donné jeudi un feu vert sous condition, alors que le gouvernement doit trancher sur les résultats des négociations d'un accord-cadre entre Berne et Bruxelles.
Le Conseil fédéral avait présenté cette deuxième contribution à l'UE sur dix ans comme un geste de bonne volonté envers Bruxelles. Le soutien s'inscrit dans la volonté générale de conclure un accord cadre très délicat avec l'UE. Mesures d'accompagnement et reprise de la directive sur la citoyenneté européenne posent problème.
Il n'y a pas de lien formel entre la contribution de cohésion, l’équivalence boursière et la négociation d’un accord-cadre institutionnel avec l’UE. Mais un lien politique entre les trois objets a été créé de fait par le refus de Bruxelles d’accorder à la Suisse l’équivalence boursière non limitée dans le temps en lien avec l'accord-cadre, a relevé le président de la commission Filippo Lombardi (PDC/TI).
Ne pas déléguer l'avis
Une fronde de droite s'est interrogée sur le bien-fondé d'accorder le soutien à l'UE dans ces conditions. Le second conseil peut évidemment arrêter l'exercice en refusant le libérer la contribution. Mais la Chambre des cantons ne peut le laisser décider à sa place, a fait valoir Philipp Müller (PLR/AG).
En commission, le libéral-radical avait exigé que la contribution ne soit libérée que si l'UE n'adopte aucune mesure discriminatoire à l'encontre de la Suisse et que des signes clairs d'amélioration des relations bilatérales sont constatés. Cette dernière condition a été abandonnée dans une volonté de compromis.
Seules les mesures discriminatoires empêcheront des engagements sur la base du crédit-cadre, ont décidé les sénateurs en acceptant par 40 voix contre 1 une proposition de Ruedi Noser (PLR/ZH). Le Conseil veut défendre une position claire et la plus rassembleuse possible, a expliqué le Zurichois. Pas question de 'combiner des mesures de rétorsion à des mesures de rétorsion, il faut donner au Conseil fédéral une base raisonnable à une désescalade'.
Risque de paralysie
Il est dans l'intérêt de la Suisse de renforcer la cohésion de l'UE et d'y réduire les écarts salariaux, a critiqué Christian Levrat (PS/FR). Mais lier le milliard à l'équivalence boursière est une erreur car le milliard n'est pas une faveur accordée à l'UE en échange d'une contrepartie. Ce serait aussi une faute politique car un lien politique entre les dossiers risque de paralyser durablement les relations avec l'UE, a ajouté le socialiste.
Il n'y aura justement pas de lien politique entre les dossiers, juste l'avertissement que la Suisse n'acceptera pas de discrimination, a nuancé M.Lombardi. Cela correspond à la volonté politique du gouvernement, a commenté le ministre des affaires étrangères Ignazio Cassis.
Catastrophique
Le Conseil fédéral aurait toutefois préféré que l'arrêté de ne pose aucune condition alors qu'il doit trancher sur le dossier européen 'ces prochains jours'.
Paul Rechsteiner (PS/SG) a déjà été informé des résultats des négociations de l'accord institutionnel comme président de l'Union syndicale suisse. Selon lui c'est 'catastrophique' et les lignes rouges ont été franchies: non seulement le délai d'annonce des travailleurs détachés devrait être raccourci, mais toute la protection des salaires suisses serait soumise au droit européen.
La contribution est un signal politique important pour le développement des relations bilatérales, a plaidé Ignazio Cassis. Son poids est en revanche plutôt symbolique pour l'UE. C'est aussi un bon investissement pour la Suisse: avec la première contribution, sa réputation s'est améliorée dans les pays concernés et les affaires ont progressé.
130 millions par an
La contribution ne va pas aux Etats, mais à des projets, a-t-il rappelé. Cela explique pourquoi 65 millions sont prévus pour la coordination par l'administration fédérale.
La somme totale à libérer sur dix ans se monte à 1,302 milliard de francs: 1,047 milliard pour réduire des disparités économiques et sociales dans l'Europe élargie avec un accent sur la formation professionnelle, et 190 millions pour la migration qui profiteront à l'Europe du Sud. Seul Peter Föhn (UDC/SZ) s'est opposé aux deux enveloppes.
Sur le principe, le versement d'une nouvelle contribution a été très peu contestée. Représentant, 1,1 pour mille des exportations ce prix d'entrée sur le marché unique est particulièrement avantageux et risque de devenir plus onéreux, ont salué plusieurs orateurs.
La balle passe dans le camp du National.
/ATS