Une équipe internationale avec participation suisse a capté pour la première fois des ondes gravitationnelles et de la lumière provenant de la collision de deux étoiles à neutrons. Des résultats qui ouvrent de nouvelles perspectives de recherche.
En 2015, la communauté scientifique mesurait pour la première fois le passage d’ondes gravitationnelles, dont l’existence avait été prédite par Albert Einstein en 1915. Ces ondes sont de très petites déformations de l’espace et du temps générées lorsque des masses importantes entrent en collision.
Le Prix Nobel de physique 2017 vient d'ailleurs de récompenser les trois Américains qui ont validé la prédiction d'Einstein. Jusqu’ici, les quelques détections d’ondes gravitationnelles étaient dues à la collision de deux trous noirs, des objets tellement denses qu’ils forment des singularités dans l’espace-temps desquelles même la lumière ne peut s’échapper.
Cette fois-ci pourtant, le train d’ondes gravitationnelles observé porte la signature d’une collision de deux étoiles à neutrons, à savoir les restes du coeur d’une étoile massive après son explosion sous forme de supernova.
Ce type d'étoiles extrêmement dense a un diamètre de seulement vingt kilomètres environ mais une masse correspondant à 1,6 fois celle de notre soleil. Une cuillère à café d'étoile à neutron 'pèse' ainsi un milliard de tonnes, écrit lundi le Massachusetts Institute of Technology, co-auteur de ces travaux qui ont mobilisé 1500 chercheurs du monde entier.
Sursaut gamma
'Une conjecture de longue date propose que de tels événements soient à l’origine d’une fraction des sursauts gamma, ces flashes brillants de rayonnement électromagnétique énergétique qui durent une ou deux secondes et qui restent largement un mystère', explique Carlo Ferrigno, astrophysicien à l’Integral Science Data Center (ISDC) de l’Université de Genève (UNIGE), cité dans un communiqué de cette dernière.
'Il était nécessaire, pour vérifier cette hypothèse, de détecter simultanément les ondes gravitationnelles et un sursaut gamma provenant de la même région du ciel', poursuit le spécialiste. Or les satellites FERMI (Nasa) et INTEGRAL (Agence spatiale européenne) sont conçus, entre autres, pour détecter les sursauts gamma.
'Nous avions estimé qu’il nous faudrait étudier une centaine d‘événements en lien avec la détection d’ondes gravitationnelles produites par la coalescence des étoiles à neutrons pour pouvoir détecter un sursaut gamma simultanément', ajoute Volodymyr Savchenko, également chercheur à l’ISDC: 'À notre plus grande surprise, le premier essai a suffi'.
Deux étoiles de neutrons
En effet, le 17 août dernier à 14h41, l'interféromètre géant LIGO, situé aux Etats-Unis, enregistre le passage d’un train d’ondes gravitationnelles. Deux secondes plus tard, c’est au tour du satellite FERMI de détecter un sursaut gamma. Immédiatement, les astronomes du monde entier sont alertés.
'Nous nous sommes penchés sur les données d’INTEGRAL prises à cet instant et, bien que faible, le signal d’un sursaut gamma était bien présent', s’enthousiasme Carlo Ferrigno. Les chercheurs ont ensuite découvert que ce double phénomène avait été provoqué par la collision et la fusion de deux étoiles à neutrons.
Le choc a déclenché une onde gravitationnelle, accompagnée d’un flash lumineux gigantesque dans le domaine des rayons gamma, le tout suivi par une émission de lumière visible mesurée par des télescopes au Chili.
Une confirmation supplémentaire
L'évènement s'est produit à 'seulement' 130 millions d'années-lumière de la Terre, dans une galaxie relativement proche de notre Voie lactée. 'C'était une chance énorme', a expliqué à l'ats Philippe Jetzer, de l'Université de Zurich, qui a également participé à ces travaux.
Cette découverte apporte une confirmation supplémentaire à la théorie de la relativité générale d’Einstein. De plus, on connaît désormais l’une des origines possibles des sursauts gamma.
Enfin, l’astronomie s’est dotée d’un nouvel outil d’observation, les ondes gravitationnelles. Seules ou en conjonction avec des instruments mesurant la lumière, ces ondes ouvrent de nouvelles perspectives pour la recherche astronomique, conclut l'UNIGE. Ces résultats sont publiés dans la revue Astrophysical Journal Letters.
/ATS