Le Tribunal cantonal vaudois a ordonné mercredi l'expulsion pour huit ans d'un citoyen portugais originaire du Cap Vert. En première instance, les juges lausannois avaient estimé qu'il pouvait bénéficier de la clause de rigueur et n'avaient pas prononcé d'expulsion.
Au vu de la gravité du crime, 'la clause de rigueur est inexistante en l'espèce', a affirmé le président de la Cour d'appel. Les attaches de cet homme envers le Portugal ou la France sont au moins aussi grandes que vis-à-vis de la Suisse, a-t-il ajouté en rendant le verdict mettant en doute son intégration.
Intervention du procureur général
Condamné en avril à trois ans de prison, dont la moitié ferme pour tentative de meurtre, le trentenaire était sorti libre de l'audience puisqu'il avait déjà passé 18 mois en préventive. Peu après le procureur général vaudois Eric Cottier annonçait toutefois qu'il avait dessaisi le procureur responsable du dossier et qu'il déposait un appel demandant l'expulsion.
Devant le Tribunal cantonal, Eric Cottier a brièvement plaidé mercredi. A ses yeux, le tribunal lausannois a eu 'des états d'âme' en rendant son verdict. Il s'est fourvoyé en ne demandant pas l'expulsion de cet homme, qui vit depuis dix ans en Suisse et dont l'intégration dans ce pays est pour ainsi dire nulle.
Pas d'attaches réelles
Le Capverdien vit depuis 7 à 8 ans grâce 'au filet social' vaudois et continue à dire qu'il cherche du travail. En fait, il rentre à Noël au Portugal où vit une partie de sa famille et il passe 'la moitié de son temps' à Annemasse (F) où résident sa compagne et ses enfants. L'homme 'n'a pas d'attaches réelles en Suisse', selon Eric Cottier.
Défenseur d'office, Simon Perroud a rappelé en vain que le jugement de première instance était le résultat 'd'un accord global entre toutes les parties'. Et la renonciation à une demande d'expulsion en faisait partie, a martelé l'avocat.
Comportement exemplaire
En outre, l'expulsion ne se justifie pas dans ce cas', a poursuivi l'homme de loi. Le Portugais est intégré en Suisse, fait des efforts pour trouver du travail et finir une nouvelle formation. 'Il se tient à carreau' depuis la soirée qui a mal tourné dans une discothèque lausannoise.
Selon l'avocat, 'le centre des intérêts' de son client est clairement en Suisse. Il ne représente en outre aucune menace réelle et grave pour la société: en clair, une expulsion serait 'disproportionnée', a plaidé Simon Perroud. A son avis, il est peu probable qu'un recours soit déposé devant le Tribunal fédéral.
Intervention de l'UDC
L'affaire avait connu un écho politique et débouché sur une interpellation déposée début mai au Grand Conseil vaudois. Le député UDC Thierry Dubois a rappelé que l'initiative de son parti 'Pour le renvoi des criminels étrangers' acceptée en 2010 était entrée en vigueur en octobre 2016.
L'élu soulignait que la tentative de meurtre faisait partie de la liste des infractions passibles d'une expulsion obligatoire. Dans son interpellation, il dénonçait 'la faveur' accordée au Capverdien et se demandait si le Conseil d'Etat cautionnait ce jugement.
Pas de pression
Interrogé par Keystone-ATS, Thierry Dubois s'est dit 'pleinement satisfait de ce nouveau verdict. La justice a fait son travail. Je ne comprenais que l'on n'applique pas la loi.'
Durant son intervention devant la Cour d'appel, Eric Cottier a tenu néanmoins à affirmer qu''il n'y avait pas eu de pression politique sur le Ministère public' pour qu'il reprenne le cas.
Marge de manoeuvre
Le dispositif légal entré en vigueur en octobre 2016 est 'fragile'. Il laisse aux procureurs et aux juges une marge d'appréciation. S'il y a des abus d'interprétation, Eric Cottier a dit sa crainte que le dispositif soit alors revu: 'Les juges et les procureurs seront muselés' et cela débouchera sur une application de la loi 'automatique, pure et simple', a-t-il mis en garde.
/ATS