Il est possible d'éradiquer la rage en Afrique, selon une étude menée par l’Institut tropical et de santé publique suisse (Swiss TPH). Les auteurs ont effectué une vaccination en masse de chiens au Tchad et déterminé l’impact de cette mesure sur la rage humaine.
La rage tue des dizaines de milliers de personnes par an, surtout en Afrique et en Asie. Cette maladie virale est transmise par des morsures de chiens et de renards infectés.
En Europe de l’Ouest et en Europe centrale, la rage a été éradiquée il y a une vingtaine d’années. La Suisse n’a plus recensé de cas de rage depuis 1999, la stratégie principale ayant été axée contre les renards.
'Si vous voulez empêcher que les hommes meurent de la rage en Afrique et en Asie, vous devez éradiquer la rage canine', explique Jakob Zinsstag, du Swiss TPH, premier auteur de cette étude, cité mercredi dans un communiqué de son institut.
Taux de couverture de 65%
Les recherches ont été menées à N’Djaména, la capitale du Tchad, où vivent 1,1 million de personnes ainsi qu’environ 30'000 chiens. En 2012 et en 2013, 20'000 chiens par an ont été vaccinés contre la rage. En d’autres termes, plus de 65% de la population canine de la ville a bénéficié de cette action, ce qui correspond à un 'excellent taux de couverture', selon le Pr Zinsstag.
Le Swiss TPH entretient avec le Tchad des relations qui remontent aux années 1990. En l'occurrence, il a travaillé avec le Centre de support en santé internationale (CSSI) et avec l’Institut de recherche en élevage pour le développement (IRED). Le Laboratoire central vétérinaire (LVC) du Mali, à Bamako, est venu se joindre à l’équipe.
Des scientifiques de l'EPFZ à Bâle et de l’Institut Pasteur à Paris ont participé aux analyses génétiques des virus collectés. Une équipe interdisciplinaire, composée d’experts en diagnostic moléculaire, en modélisation mathématique et en épidémiologie vétérinaire a été constituée.
Question de volonté politique
'La modélisation mathématique a montré que le nombre de reproduction, c’est-à-dire le nombre d’infections secondaires pour un chien atteint de la rage, devenait inférieur à un. L’analyse moléculaire a prouvé que les souches en circulation disparaissaient', explique le Pr Zinsstag.
Cette étude est l’un des premiers projets de recherche appliquant à la rage canine une méthode rigoureuse étudiant la dynamique de la transmission au fil du temps. Il a ainsi été possible de calculer le nombre de reproduction de la rage sur les chiens depuis la première vague de vaccination en masse en 2012.
La méthode moléculaire a confirmé les résultats du modèle mathématique. L’élimination de la rage n’est donc pas un problème technique, mais une question de volonté politique et de ressources financières, selon ces travaux publiés dans la revue Science Translational Medicine.
D'ici 2030
Eradiquer d’ici 2030 la rage humaine transmise par les chiens fait partie des objectifs de développement durable de l'ONU. 'Notre étude fournit une importante preuve de concept à l’Alliance mondiale contre la rage et au Réseau africain de lutte contre la rage', souligne le professeur bâlois. 'Nous avons calculé qu’un budget de 32 millions de francs permettrait d’éliminer la rage dans le pays', précise-t-il.
Il reste cependant un défi à relever, la migration. Après l'éradication de la rage au Tchad, la maladie pourrait être réimportée de pays voisins comme le Cameroun et le Soudan. Il faut donc une approche concertée panafricaine.
Selon les estimations du Pr Zinsstag, les coûts d’éradication de la rage en Afrique centrale et de l’Ouest s’élèveraient à un peu plus d'un milliard de francs sur une période de 20 ans.
/ATS