Le troisième procès d'Erwin Sperisen s'est ouvert lundi devant la Chambre pénale d'appel et de révision de Genève. L'ancien chef de la police nationale du Guatemala, qui doit répondre de 10 assassinats, a annoncé qu'il ne s'exprimera pas durant les débats.
'Tout ce que j'avais à dire, je l'ai déjà dit et vous pouvez vous référer à mes déclarations précédentes', a relevé le prévenu, qui plaide l'acquittement. 'Lors des auditions, le Ministère public m'a traité comme un homme en fuite alors que j'avais montré ma disponibilité à collaborer', a ajouté le colosse de 47 ans.
L'interrogatoire d'Erwin Sperisen s'est résumé à ces brèves déclarations. Face au silence de l'accusé, la présidente du tribunal a décidé de suspendre les débats qui reprendront mardi avec l'audition de deux enquêteurs ayant travaillé pour la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala (CICIG).
Un ajout qui énerve
Lundi matin, le premier procureur Yves Bertossa avait suscité l'ire de la défense avec sa proposition d'ajouter aux accusations d'assassinats celles d'assassinats par omission au cas où la participation directe et indirecte d'Erwin Sperisen aux exécutions de prisonniers ne pourrait être solidement prouvée.
Il s'agit d'une modification complète des faits reprochés à Erwin Sperisen, s'est insurgé l'avocat du prévenu Giorgio Campa. Il a rappelé que l'arrêt du Tribunal fédéral qui a ordonné la tenue d'un nouveau procès, car le précédent avait violé le droit d'être entendu d'Erwin Sperisen, a fixé les limites des débats.
Pour M. Campa, cet ajout d'assassinats par omission est 'une nouveauté sortie du chapeau du Ministère public qui constate que son accusation s'effondre'. Selon l'avocat, le procureur aurait parfaitement pu inclure cet élément dès le départ, lors du premier procès devant le Tribunal criminel, en 2014.
Escadron de la mort
Yves Bertossa a rappelé que l'arrêt du Tribunal fédéral a retenu que les sept détenus morts pendant la reprise en main par les forces de sécurité du pénitencier guatémaltèque de Pavon, en 2006, ont bien été exécutés. 'Il s'agissait d'homicides planifiés dans le cadre d'une opération parallèle' réunissant des proches d'Erwin Sperisen.
En tant que patron de la police, Erwin Sperisen a été partie prenante des circonstances qui ont permis le passage à l'acte, a poursuivi le premier procureur. Il a aussi discuté avec les hommes du commando chargés des exécutions et leur a laissé le champ libre. De même, il a permis que les scènes de crimes soient manipulées.
Cette lecture de l'arrêt du TF est insoutenable, lui a répondu M. Campa. La défense insiste qu'une fusillade a éclaté lors de l'assaut des forces de sécurité contre le pénitencier. La police a dû affronter des prisonniers armés qui avaient pris le contrôle de l'établissement et y menaient toutes sortes d'activités criminelles.
Requête rejetée
Les détenus auraient été tués lors de ces affrontements. La Chambre pénale d'appel et de révision de Genève a finalement rejeté la demande du Ministère public d'inclure les assassinats par omission dans l'acte d'accusation. Elle a réservé le même sort aux demandes d'audition de différents témoins requises par la défense.
Erwin Sperisen a dirigé la police du Guatemala de 2004 à 2007. Il est accusé d'avoir, pendant cette période, organisé et planifié des opérations visant à éliminer sept détenus du pénitencier de Pavon et d'avoir donné l'ordre d'abattre trois prisonniers qui s'étaient évadés de la prison guatémaltèque Infernito.
Pour ces faits, Erwin Sperisen a été condamné à deux reprises à la prison à vie par la justice genevoise. Arrêté en 2012 à Genève, l'ancien haut fonctionnaire du Guatemala a passé cinq ans en détention préventive, avant d'être libéré provisoirement sur injonction du Tribunal fédéral l'automne dernier.
En cas d'acquittement, Erwin Sperisen demandera des indemnités à hauteur de 1,37 million de francs pour le tort que lui, sa femme et ses trois enfants ont subi. Erwin Sperisen possède la double nationalité suisse et guatémaltèque.
/ATS