Des experts onusiens sont 'très inquiets' de la situation d'une sans-papier philippine à Genève, menacée d'expulsion après avoir porté plainte pour abus. Ils sont préoccupés par les possibles discriminations et procès non équitable dont elle semble avoir été victime.
Dans un courrier daté d'août rendu public récemment, les rapporteurs spéciaux sur l'indépendance des juges, sur les droits des migrants et les violences contre les femmes, de même que le Groupe de travail sur la discrimination contre les femmes, expriment leur inquiétude. Ces experts indépendants, qui ne s'expriment pas au nom de l'ONU, rappellent à la Suisse plusieurs accords internationaux auxquels elle est partie.
Ils lui demandent de leur donner toute indication sur cette affaire et sur ses efforts pour garantir un accès équitable des travailleurs migrants à la justice. Cette femme, qui travaillait comme domestique pour quelques centaines de francs par mois, avait déposé plainte fin 2021 contre le couple qui l'employait, une Philippine et son mari suisse.
Cette propriétaire lui aurait demandé de lui prêter des milliers de francs, sous peine d'une expulsion si elle ne s'exécutait pas. Par la suite, la migrante aurait été menacée, violentée et éjectée de l'appartement.
Reproches contestés par le Ministère public
La plainte de la sans-papier s'est retournée contre elle. Non seulement, aucune investigation n'a été lancée contre ces propriétaires faute de preuves, selon les experts onusiens, mais elle a été condamnée par deux instances pour séjour illégal en Suisse. Un recours a été déposé en mai devant le Tribunal fédéral (TF) qui n'a pas encore rendu son arrêt.
Les allégations semblent violer 'les garanties d'un procès équitable', estiment les experts onusiens. Le Tribunal administratif genevois de première instance a aussi confirmé une décision de renvoi de cette femme. 'Nous avons déposé recours, en invoquant notamment cette prise de position' des experts, a affirmé mardi à Keystone-ATS l'avocat de la migrante, Olivier Peter.
Il va aussi demander au Conseil d'Etat genevois de reconsidérer la décision de renvoi et d''octroyer un permis à la victime pour qu'elle puisse participer à la procédure'. Il affirme que la Suisse viole ses obligations internationales.
La mission suisse à l'ONU à Genève a répondu de son côté début octobre au courrier des experts onusiens dans une lettre écrite après concertation avec plusieurs entités de la Confédération et le Canton de Genève. Elle commence par dire que le cas n'est 'à priori pas constitutif d'un cas de traite d'être humain'.
Conseil d'Etat pas content
Elle relève aussi l'obligation pour les 'autorités de poursuite pénales de dénoncer aux autorités compétentes toutes les infractions qu'elles ont constatées dans I'exercice de leurs fonctions'. De son côté, le Ministère public genevois fait état de son 'étonnement' après l'intervention des experts indépendants onusiens, alors que la procédure judiciaire est en cours.
Il rejette les accusations portées par ceux-ci. Il dénonce une possible violation de l'indépendance de la justice et conteste toute inaction de sa part après la plainte de la Philippine, tout comme l'absence d'une investigation. Le classement de celle-ci a été motivé, ajoute-t-il.
Le Conseil d'Etat dénonce de son côté la terminologie utilisée contre un office cantonal par les experts onusiens, 'peu compatible' selon lui 'avec les responsabilités liées aux missions des organes que représentent les signataires'. 'En matière de renvoi, les autorités migratoires cantonales ne disposent, en principe, d'aucun pouvoir d'appréciation, d'aucune marge de manoeuvre', ajoute-t-il.
Il répond par avance à la demande de l'avocat sur un permis pour pouvoir participer à la procédure. La plaignante n'a pas produit 'de document d'un Tribunal pénal attestant que sa présence était nécessaire en Suisse durant le temps de la procédure pénale', dit-il également.
/ATS