Les alevins d'anguilles saisis en janvier à l'aéroport de Genève par l'Administration fédérale des douanes (AFD) ont été relâchés en partie vendredi dans le lac de Morat. L'opération a concerné quelque 30'000 des 130'000 alevins concernés.
'La réintroduction s'est révélée délicate', a expliqué sur place Nathalie Rochat, porte-parole de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV). D'abord parce que la température de l'eau du lac n'excédait pas 3,5 degrés et que les alevins se trouvaient dans des bidons avec une eau à 10 degrés.
'Il a fallu procéder par étapes afin d'agir de manière équilibrée', a précisé Nathalie Rochat. Le premier lâcher s'est effectué près du port de Morat (FR), dans des roches. Un autre est intervenu à proximité du lac, dans la Broye, histoire de répartir au mieux les effectifs.
Rejoindre la mer du Nord
Le lac de Morat a été choisi parce qu'il correspondait bien à l'habitat naturel des anguilles. Ses eaux rejoignent ensuite les lacs de Neuchâtel et de Bienne, via respectivement la Broye et la Thielle, afin de rejoindre le Rhin et la mer du Nord, non sans avoir emprunté l'Aar.
Un parcours qui permettra aux alevins de pouvoir rejoindre la mer des Sargasses, dans l'Atlantique Nord, là où ils sont nés. La saisie à l'aéroport de Genève, le 19 janvier, avait été précédée d'une autre à l'aéroport de Zurich, le 11 janvier. Dans ce cas, les 110'000 alevins ont été réintroduits dans le Rhin directement.
Il s'agit pour eux de terminer leur migration. 'Tout en sachant qu'il y a beaucoup d'obstacles naturelles et articielles à franchir', a ajouté Nathalie Rochat. Les alevins relâchés du côté de Morat ont séjourné auparavant auprès de l'aquarium Aquatis, à Lausanne, qui offre des conditions idéales d'hébergement.
Maturité sexuelle
Les alevins d’anguilles, appelés aussi civelles, qui sont âgés d'environ trois ans, ont migré en se laissant porter par le courant du Gulf Stream jusqu’aux côtes atlantiques de l’Afrique du Nord et européennes où ils ont rejoint les bassins fluviaux d’eau douce.
En principe, c’est là que les alevins d'anguilles vivent jusqu’à leur maturité sexuelle, avant de migrer à nouveau vers la mer des Sargasses, luttant cette fois contre le Gulf Stream, afin de se reproduire.
Les alevins subissent toutefois une pêche intensive aux embouchures des fleuves africains et européens. Ils sont alors, soit engraissés dans des fermes piscicoles avant d’être vendus, soit exportés illégalement au stade de larves pour être consommés comme mets délicats en Asie.
Danger d'extinction
Environ 90% des populations d’anguilles européennes ont disparu ces 30 dernières années. C’est pourquoi l'espèce est inscrite dans la liste rouge des espèces 'en danger critique d'extinction' et figure dans l’annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).
L’importation et l’exportation en sont strictement interdites dans l’Union européenne. Pour rappel, la saisie à l'aéroport de Genève s'est accompagnée de l'interpellation de sept hommes. Une enquête doit déterminer l’ampleur du trafic. Les individus transportaient illégalement dans six valises quelque 130'000 alevins d’anguilles vivants.
Arrêtés dans le hall de l’aéroport, les sept hommes ont été ensuite incarcérés à la prison de Champ-Dollon. Révélée par la Tribune de Genève et 24 Heures, l'affaire s'est d'emblée révélée similaire à celle de Zurich, où deux individus ont été appréhendés. Certains experts parlent des alevins d'anguilles comme de l'ivoire européen.
/ATS