Il s’est enfui de nos haies. Le laurier-cerise, à l’instar de plusieurs autres espèces exotiques, envahit les lisières et les bois. Alors que le Conseil fédéral interdira la vente de 53 de ces plantes invasives dès le 1er septembre, d’autres se questionnent : jusqu’où allons-nous lutter ? C’est le cas de Blaise Mulhauser, directeur du Jardin botanique de Neuchâtel.
Des clairières parsemées de taches roses et des sous-bois aux allures de haies. Le buddléia de David et le laurier-cerise, plus connus sous les noms d’arbre aux papillons et de laurelle, ont quitté nos jardins pour aller envahir les lisières et les bois. Difficiles à stopper, leur progression ainsi que celle d’autres plantes, dites invasives, peuvent constituer une menace pour la biodiversité. Afin de lutter contre la propagation de certaines de ces espèces, le Conseil fédéral a dressé une liste de 53 d’entre elles qui seront interdites à la vente, dès le 1er septembre.
Des intrus dans nos forêts
Aux abords du Jardin botanique de Neuchâtel, son directeur, Blaise Mulhauser, nous conte l’expansion du laurier-cerise. Installé en Suisse depuis 1950 environ, il s’est échappé de nos jardins pour aller coloniser les lisières des bois. Il doit son nom aux fruits qu’il produit, semblables à des petites cerises. Tendant la main, le biologiste et écologue se saisit de l’une de ces baies et explique : « c’est la taille parfaite pour le gosier d’un oiseau. En effet, ce sont eux qui, après avoir ingéré les fruits, participeront à la propagation du laurier-cerise en allant les rejeter en lisière de forêt. C’est la condition idéale pour que les jeunes laurelles puissent commencer leur pousse ».
Déjà trop tard
Si « la mesure du Conseil fédéral visant à interdire la vente du laurier ainsi que celle de 52 autres espèces est nécessaire, elle intervient trop tardivement » aux yeux de Blaise Mulhauser. Comme il le précise, « ça fait plus de 50 ans que les écologues parlent de cette problématique, avec des espèces qui sont là depuis longtemps. Certaines d’entre elles, comme la ronce d’Arménie, sont impossibles à éradiquer », selon lui.Blaise Mulhauser : « Ça fait plus de 50 ans que les écologues parlent de cette problématique. »
Vers un nouvel équilibre
Dans la fraîcheur matinale du Jardin botanique, sur les hauts de Neuchâtel, Blaise Mulhauser développe son point de vue. À ses yeux, lutter indéfiniment est une chimère. « Il faut que nous soyons très modestes et que nous acceptions que, de toute manière, la dynamique naturelle de certaines espèces sera plus forte que la lutte de l’être humain ». En restant confiant, le directeur du Jardin botanique évoque les aspects positifs de tels changements. Selon lui, « tout ceci vient nous montrer que la vie est toujours présente et qu’elle arrive à se maintenir et se développer ». S’il ne peut assurer avec certitude l’aspect futur des forêts neuchâteloises, le biologiste et écologue affirme qu’ « il faut faire confiance aux espèces qui sont là depuis 8'000 ans comme le hêtre et le chêne. Ces dernières n’ont pas dit leur dernier mot et normalement, elles devraient pouvoir continuer à équilibrer la forêt ». /mkr