Les évêques qui se sont rendus coupables d'avoir protégé des prêtres pédophiles pourront être jugés par une nouvelle instance judiciaire créée au Vatican par le pape François. C'était une revendication de longue date des associations de victimes.
Les évêques - qui sont plus de 5000 dans le monde - pourront être jugés en cas de 'manquement à leur devoir professionnel', en vertu du droit canon, par cette 'nouvelle instance judiciaire à l'intérieur de la Congrégation pour la doctrine de la foi' (CDF). La CDF, ancien Saint-Office, est chargée au Vatican de veiller dans l'Eglise entière au respect du droit canon.
Le pape a ordonné la nomination de personnel supplémentaire pour ces nouvelles fonctions, a précisé le porte-parole du Saint-Siège, le père Federico Lombardi. Il s'exprimait à l'issue d'une réunion du conseil des cardinaux (C9) chargé de conduire les réformes dans l'Eglise. François a prévu une période de cinq ans pour évaluer 'l'efficacité' du nouveau dispositif.
Ce personnel 'pourra aussi être employé pour les procès pénaux dans des cas d'abus de mineurs et d'adultes vulnérables (handicapés) de la part du clergé', a précisé le Vatican.
Le scandale était double
Des associations d'anciennes victimes de prêtres pédophiles réclamaient depuis longtemps que le fait pour un évêque d'avoir couvert des abus sexuels sur mineurs commis par des prêtres de son diocèse soit un délit reconnu et puni par le Vatican.
Condamné avec force par le Comité pour les droits de l'enfant de l'ONU, le scandale des prêtres pédophiles a contribué à discréditer l'Eglise catholiques pour des délits remontant principalement aux années 60-70.
Le scandale était double: des dizaines de milliers de mineurs ont été agressés par des religieux, prêtres et religieuses. Mais des dizaines d'évêques ont aussi refusé d'écouter les plaintes des victimes, leur demandant parfois le silence, protégeant les prêtres accusés ou soupçonnés, parfois en les mutant dans des postes où ils pouvaient continuer leurs forfaits.
Le Vatican a ensuite été accusé d'avoir protégé certains de ces évêques pour éviter les scandales. Le pape Benoît XVI avait demandé en 2011 à toutes les conférences épiscopales d'adopter des dispositifs pour mettre fin à ces scandales et collaborer avec les pouvoirs judiciaires civils.
Tabou et manque de fiabilité
Mais si certains épiscopats occidentaux ont adopté des régimes sévères, d'autres ont du mal à se mettre en règle. Dans certaines cultures, en Afrique et en Asie notamment, ces sujets sont largement tabous et les justices civiles ne sont pas toujours fiables.
Les plaintes contre les évêques seront d'abord reçues par les congrégations pour les évêques, pour l'évangélisation des peuples et pour les Eglises orientales, les trois 'ministères' du Vatican compétents pour les évêques. Mais elles auront l'obligation de les transmettre à la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Dernières affaires délicates
Depuis janvier, plusieurs membres de la Commission pour la protection des mineurs ont élevé la voix dans des affaires délicates touchant des prélats.
La dernière affaire a fait beaucoup de bruit, car elle concerne le cardinal australien George Pell, tout puissant 'ministre' de l'Economie du pape. Ce dernier est accusé par une ancienne victime d'avoir refusé de prendre au sérieux sa plainte contre un prêtre. Le cardinal nie en bloc les accusations, et a menacé de poursuivre l'auteur des accusations, l'expert britannique Peter Saunders, lui-même une ancienne victime.
L'autre affaire est la nomination d'un évêque chilien, Juan de La Cruz Barros, par François, alors qu'il est soupçonné d'avoir protégé dans le passé un vieux prêtre accusé de pédophilie.
Benoît XVI puis François ont mis en place un dispositif plus sévère. Mais les anciennes victimes critiquent le fait que le jugement reste interne à l'Eglise et confidentiel, les affaires des prêtres pédophiles étant jugées en dernière instance par la Congrégation pour la doctrine de la foi.
/ATS