Un Serbe de Bosnie, Mladen Grujicic, a officiellement été déclaré lundi vainqueur de la municipale de Srebrenica, la ville martyre de la guerre en Bosnie (1992-95). Mais le maire sortant musulman, Camil Durakovic, refuse de concéder la défaite.
Selon les résultats officiels, Mladen Grujicic a remporté 54,4% des suffrages lors du scrutin du 2 octobre dernier, contre 45,5% au sortant bosniaque, soit au total un écart de 768 voix.
'Je n'admets aucune défaite aujourd'hui', a réagi dans la journée Camil Durakovic en conférence de presse à Sarajevo. Il a annoncé vouloirs faire recours. Il a dénoncé la décision de la Commission électorale de ne pas prendre en compte quelque 2000 voix par correspondance arrivées en retard. Il a aussi remis en cause le vote de 1700 électeurs serbes dépourvus, selon lui, 'de documents en règle'.
'Une histoire finie'
L'élu Mladen Grujicic a pour sa part répété sa volonté de travailler 'au profit de tous les citoyens de Srebrenica'. Dans une interview à l'AFP avant le scrutin, ce professeur de chimie de 34 ans avait admis que 'le crime contre les Bosniaques a eu lieu, mais je laisse aux institutions compétentes le soin de le qualifier', avait-il dit.
Ces élections à Srebrenica 'sont une histoire finie, conclue par la victoire de notre candidat', s'est réjoui lundi le chef politique des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik, cité par l'agence de presse serbe Beta. Il a affirmé que toutes les victimes de la guerre (serbes et bosniaques) seraient respectées par Mladen Grujicic, dont le père a été tué près de Srebrenica au début du conflit.
Sentiment de trahison
Hatidza Mehmedovic, qui dirige l'une des principales associations des 'mères de Srebrenica', a reproché à la communauté internationale de n'être pas intervenue pour faire annuler cette élection.
'Nous avons été trahis par la communauté internationale en 1995, lorsqu'elle nous avait laissés aux assassins, et elle vient de nous trahir une seconde fois', a dit Mme Mehmedovic qui a perdu ses deux fils et son mari dans le massacre à Srebrenica.
Cette tuerie commise par les forces serbes de Bosnie peu avant la fin du conflit est considérée comme un acte de génocide par la justice internationale. Selon Mme Mehmedovic, Mladen Grujicic 'ne peut pas diriger la ville parce que ses idoles sont des criminels de guerre, comme Radovan Karadzic', condamné pour crimes de guerre et contre l'humanité, ainsi que pour acte de génocide.
Musulmans inquiets
Srebrenica a été le théâtre en juillet 1995 du massacre de plus de 8000 hommes et adolescents musulmans bosniaques par les forces serbes de Bosnie. La ville était dirigée sans interruption par des musulmans depuis 1999.
Les Bosniaques (musulmans de Bosnie) s'étaient inquiétés des conséquences d'une victoire de Mladen Grujicic, lui reprochant notamment de ne pas qualifier ce massacre d'acte de génocide et d'avoir reçu le soutien de l'ultranationaliste serbe Vojislav Seselj.
Bien qu'acquitté par la justice internationale, ce responsable d'extrême droite, dont le portrait était placardé sur les affiches de son parti à Srebrenica durant la campagne, est considéré par les Bosniaques comme un chantre de l'épuration ethnique.
/ATS
