La Cour suprême est apparue profondément divisée mercredi sur la question passionnelle de l'avortement. Elle déchire l'Amérique plus que tout autre sujet de société et revient dans un contexte électoral marqué par un bras de fer entre le Sénat et la Maison Blanche.
Les juges de la Haute cour ont avancé des arguments frontalement opposés quand ils ont examiné pendant 90 minutes la légalité des restrictions posées par un nombre croissant d'Etats américains au droit à l'IVG, notamment au Texas.
La Cour suprême ne prendra pas de décision avant juin.
Mais, étant donné que la Haute cour fonctionne exceptionnellement à huit juges (quatre conservateurs et quatre progressistes) au lieu de neuf depuis la mort du juge conservateur Antonin Scalia, tous les regards se portent sur Anthony Kennedy, juge conservateur modéré, devenu l'arbitre dans cette affaire.
Au nom de la santé des femmes
La division était aussi palpable au pied de l'imposant bâtiment de la Haute cour à Washington, où des centaines de manifestants pro ou anti IVG ont clamé leurs arguments. 'Pro-vie, pro-femmes', ont scandé des étudiants opposés à l'avortement en tenant des ballons bleus. 'Droits à la reproduction', leur ont répondu des partisans de l'IVG coiffés de bonnets violets en leur tournant ostensiblement le dos.
Concrètement, les sages, qui comptent trois femmes dans leurs rangs, examinent une loi de 2013 qui impose aux cliniques texanes pratiquant des avortements de posséder un plateau chirurgical digne d'un milieu hospitalier, et qui oblige les médecins à disposer d'un droit d'admission de leurs patientes dans un hôpital local.
Les rédacteurs du texte le justifient au nom de la santé des femmes, affirmant minimiser pour elles les risques sanitaires. Mais pour les défenseurs de l'IVG, il s'agit d'un faux prétexte, le véritable objectif poursuivi par les législateurs républicains locaux s'inscrivant dans quatre décennies d'assauts répétés contre 'Roe v. Wade', décision historique qui a légalisé l'avortement en 1973 aux Etats-Unis.
De fait, ces règles draconiennes ont forcé la fermeture de 75% de ces cliniques au Texas depuis deux ans, selon l'organisation Whole Woman's Health.
Lors de l'audience, les trois juges femmes ont assailli de questions l'avocat général Scott Keller.
Contexte explosif
La question déclenche d'autant plus les passions que l'Amérique est en campagne présidentielle.
Des partisans de l'avortement mercredi arboraient des tee-shirts en faveur de la démocrate Hillary Clinton. Son rival Bernie Sanders a demandé sur Twitter à la Cour de 'réaffirmer que l'accès des femmes à l'avortement est un droit constitutionnel'.
L'audience intervient aussi dans un contexte de crise entre le Sénat et la Maison Blanche pour remplacer le juge Antonin Scalia, décédé le mois dernier.
Les républicains ont promis de torpiller toute nomination que ferait Barack Obama, en affirmant que cette désignation ultrasensible doit revenir à son successeur, qui sera investi le 20 janvier 2017.
En cas d'égalité à quatre sages contre quatre, le jugement de la juridiction inférieure reste inchangé, et donc les lois adoptées en Louisiane ou au Texas seraient de facto validées.
/ATS