L'ex-premier ministre japonais Shinzo Abe a été assassiné vendredi par balles par un assaillant qui a ouvert le feu sur lui en plein meeting électoral à Nara (ouest). Ce meurtre a suscité une vive émotion au Japon et à l'étranger. Un suspect a été arrêté et a avoué.
Arrêté pour le meurtre, le suspect, un chômeur de 41 ans, a précisé avoir utilisé une arme artisanale, selon un haut responsable de la police de la région de Nara.
Il 'a déclaré avoir gardé rancune à une certaine organisation et il a avoué avoir commis le crime parce qu'il croyait que l'ancien premier ministre Abe lui était lié', a déclaré ce policier à des journalistes, en refusant de donner davantage de détails.
Shinzo Abe, 67 ans, a été rapidement transporté à l'hôpital où il a été déclaré mort plusieurs heures plus tard.
'Il était en état d'arrêt cardio-respiratoire à son arrivée. (Les médecins ont) tenté de le réanimer. Cependant, il est malheureusement décédé à 17h03' (10h03 suisses), selon l'hôpital de l'université médicale de Nara, situé dans la ville voisine de Kashihara. L'ancien dirigeant a été atteint de deux balles au cou, a précisé le médecin.
Visiblement très ému, le premier ministre japonais Fumio Kishida a déclaré avoir 'prié' pour la survie de M. Abe, son ancien mentor politique dont il a été ministre des Affaires étrangères de 2012 à 2017. 'Je ne trouve pas de mots. Je présente mes sincères condoléances et prie pour que son âme repose en paix', a-t-il dit.
'Fondement de la démocratie'
Les préparatifs électoraux se poursuivront, a précisé M. Kishida: 'Nous devons absolument défendre les élections libres et équitables, qui sont le fondement de la démocratie [et] nous ne céderons jamais à la violence.'
Shinzo Abe prononçait un discours en fin de matinée près d'une gare à Nara lors d'un rassemblement de campagne électorale en vue des élections sénatoriales de dimanche, lorsque des coups de feu ont été entendus.
Leur auteur présumé a été aussitôt désarmé et arrêté. Selon plusieurs médias locaux, il a appartenu à la Force maritime d'autodéfense japonaise, la marine nippone.
Des images de la NHK ont montré des policiers portant des équipements de protection pénétrer vendredi après-midi dans un bâtiment identifié par la chaîne de télévision comme le domicile du suspect à Nara.
Sur des images de la NHK montrant le moment de l'attaque, on voit Abe debout sur un podium, puis une forte détonation retentit et de la fumée se dégage. Les spectateurs surpris par la détonation se baissent et plusieurs personnes en plaquent une autre à terre.
Abe 'prononçait un discours et un homme est arrivé par derrière', a déclaré à NHK une jeune femme présente sur les lieux.
'Le premier tir a fait le bruit d'un jouet. [Abe] n'est pas tombé et il y a eu une grosse détonation. Le deuxième tir était plus visible, on pouvait voir l'étincelle et de la fumée', a-t-elle ajouté.
Après le deuxième tir, des gens ont entouré Abe tombé à terre 'et lui ont fait un massage cardiaque', a-t-elle encore témoigné.
Des responsables locaux du PLD ont précisé n'avoir reçu aucune menace avant l'attaque et que cette prise de parole de M. Abe avait été annoncée publiquement.
'Lâche et brutal'
Ancien chef du PLD, Shinzo Abe était le premier ministre japonais à être resté le plus longtemps au pouvoir. Il avait été en poste en 2006-2007, puis de nouveau de 2012 à 2020. Il avait été contraint de démissionner pour des raisons de santé mais restait très influent au sein du PLD.
Les réactions ont afflué du monde entier après l'attaque.
Les Etats-Unis étaient 'profondément tristes et profondément préoccupés, a déclaré le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken
'Le Japon perd un grand premier ministre, qui dédia sa vie à son pays et oeuvra à l'équilibre du monde', a réagi le président français Emmanuel Macron.
A Moscou, le président Vladimir Poutine a déploré une 'perte irréparable'. A Bruxelles, les chefs de l'Union européenne ont dénoncé 'le meurtre brutal' d'un 'grand démocrate'.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dénoncé le 'meurtre lâche et brutal' d'un' grand démocrate et défenseur d'un ordre mondial multilatéral'.
Les principaux dirigeants en Asie étaient aussi sous le choc, le président sud-coréen Yoon Suk-yeol dénonçant un 'acte criminel inacceptable'.
Sentiment d'inachevé
Les partisans ede M.Abe le décrivent comme un patriote désireux de remettre le Japon sur le devant de la scène internationale et de moderniser le pays, ses critiques voient plutôt en lui un populiste de droite, défenseur d'une ligne dure en politique étrangère et qui a détourné la plus ancienne démocratie asiatique de son pacifisme d'après-guerre.
Shinzo Abe a marqué les esprits durant son deuxième passage au pouvoir avec une politique de relance économique audacieuse et une intense activité diplomatique, mais qui ont laissé un profond sentiment d'inachevé.
Armes sous contrôles
Le Japon n'a rien connu de tel 'depuis plus de 50 à 60 ans', a déclaré à l'AFP Corey Wallace, maître de conférences à l'université de Kanagawa et spécialiste de la politique nippone.
Selon lui, le dernier incident similaire au Japon était l'assassinat en 1960 d'Inejiro Asanuma, le dirigeant du Parti socialiste japonais, poignardé par un étudiant proche de l'extrême-droite.
'Mais deux jours avant une élection (et un homme) si important (...) c'est profondément triste et choquant', a-t-il ajouté.
Le Japon dispose de l'une des législations les plus strictes au monde en matière de contrôle des armes à feu, et le nombre annuel de décès par de telles armes dans ce pays de 125 millions d'habitants est extrêmement faible.
L'obtention d'un permis de port d'armes est un processus long et compliqué, même pour les citoyens japonais, qui doivent d'abord obtenir une recommandation d'une association de tir, puis se soumettre à de stricts contrôles de police.
/ATS