Des frappes russes massives de missiles et de drones en Ukraine, les plus importantes depuis des semaines, ont fait au moins six morts jeudi et privé de courant une partie de la population, ainsi que, temporairement, la centrale nucléaire de Zaporijjia.
A Kherson (sud), ce sont en outre des tirs d'obus de l'artillerie russe qui ont tué trois personnes, selon les autorités locales.
Quelques heures après les frappes de missiles, l'opérateur électrique ukrainien Ukrenergo a annoncé le rétablissement de l'alimentation de cette centrale occupée, écartant le risque d'un incident nucléaire.
La Russie a qualifié ces frappes, qu'elle a effectuées notamment à l'aide de nouveaux missiles hypersoniques Kinjal, de 'représailles' à une incursion sur son territoire le 2 mars de 'saboteurs' ukrainiens.
Parallèlement, de nouvelles tensions sont apparues autour de la Moldavie, Kiev dénonçant une 'provocation' russe après que les autorités prorusses de Transdniestrie, un territoire séparatiste moldave frontalier de l'Ukraine, ont affirmé avoir déjoué un attentat contre ses dirigeants.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dénoncé les 'misérables tactiques' russes après les bombardements qui ont touché dix régions du pays et sa capitale, et visé des infrastructures énergétiques.
Selon l'armée ukrainienne, la défense antiaérienne a abattu 34 des 81 missiles lancés par Moscou, et quatre drones explosifs Shahed de fabrication iranienne. Aucun des six missiles Kinjal utilisés par les Russes pour cette attaque n'a pu être abattu, selon Kiev.
La Russie a régulièrement bombardé les installations énergétiques ukrainiennes, plongeant des millions de personnes dans le noir et le froid, mais ces attaques étaient devenues moins nombreuses ces derniers temps.
'Ils tirent au hasard'
Dans la région de Lviv (ouest), un tir sur un quartier résidentiel a tué au moins cinq personnes, a rapporté le gouverneur, tandis que celui de la région de Dnipro (centre-est) a indiqué qu'un homme de 34 ans avait été tué.
Oksana Ostapenko, habitante du village de Velyka Vilchanytsia dans la région de Lviv, a perdu sa soeur et deux beaux-frères qui se trouvaient dans une maison détruite. Deux leurs voisins ont aussi été tués.
'Ils ont fait la fête (après un anniversaire), puis ils se sont endormis. Et voilà ce qui est arrivé', raconte Mme Ostapenko. 'Nous pensions être en sécurité ici', près de la frontière polonaise, poursuit-elle.
Un autre villageois, Igor Spilnyk, n'en revient pas. 'On ne sait pas où cela va frapper, je pense qu'ils n'ont pas de cible, ils tirent juste au hasard', dit l'homme, assurant qu'aucune infrastructure essentielle ne se trouvait à proximité.
Les frappes ont coupé l'électricité, l'eau et le chauffage à Kharkiv, grande ville du nord-est, et privé de chauffage 40% des usagers à Kiev, selon les autorités respectives.
'La Russie essaye de détruire complètement les infrastructures civiles de l'Ukraine, voilà pourquoi il faut (lui) fournir de quoi se défendre', a réagi le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, depuis Stockholm.
Centrale rebranchée
La gigantesque centrale nucléaire de Zaporijjia, occupée par l'armée russe dans le sud de l'Ukraine, a également été brièvement coupée jeudi du réseau électrique ukrainien, a affirmé l'opérateur nucléaire ukrainien Energoatom.
Des générateurs diesel de secours ont été enclenchés pour assurer une alimentation minimale des systèmes de sécurité, selon Energoatom, qui avait mis en garde contre le risque d'un accident nucléaire.
'On joue avec le feu', a prévenu depuis Vienne le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) Rafael Grossi.
'C'est une violation grave de la sécurité nucléaire, provoquée par la Russie', a abondé le haut représentant de l'Union européenne Josep Borell.
Dans l'après-midi, l'opérateur d'électricité Ukrenergo a indiqué avoir 'rétabli l'alimentation électrique à la centrale'.
A Kiev, des explosions ont touché des quartiers sud et ouest, selon le maire. Trois personnes ont été blessées, a indiqué la police.
Sur Prospekt Peremoguy, dans l'ouest de la capitale, trois voitures garées près d'un haut immeuble d'habitation ont été carbonisées, a constaté un correspondant de l'AFP, et plusieurs autres abîmées.
'Il y a eu une très forte explosion', témoigne Igor Iéjov, 60 ans, qui a évacué l'immeuble avec son épouse. 'Quand cela arrive tout près, chez toi, c'est vraiment un sentiment de peur.'
Tensions en Transdniestrie
En Moldavie, les séparatistes prorusses de Transdniestrie ont assuré jeudi que l'Ukraine avait voulu commettre un attentat dans le centre de leur capitale, Tiraspol, pour 'éliminer' leurs dirigeants et faire 'un grand nombre de victimes'.
Le Premier ministre moldave, Dorin Recean a dit 'ne pas avoir confirmation' de ces allégations, et les services de sécurité ukrainiens (SBU) ont dénoncé une 'provocation orchestrée par le Kremlin'.
La Moldavie et les Occidentaux accusent régulièrement Moscou d'utiliser la Transdniestrie pour déstabiliser encore davantage l'Ukraine voisine.
La Russie a elle annoncé la tenue lundi d'une réunion à Genève avec l'ONU sur l'accord sur les exportations de céréales ukrainiennes, qui expire le 18 mars, un document vital pour l'approvisionnement alimentaire mondial.
Par ailleurs, dans l'est de l'Ukraine, la bataille pour la ville-symbole de Bakhmout continue de faire rage.
Après avoir annoncé la veille la prise de la partie orientale de la cité, le patron de l'organisation paramilitaire russe Wagner, Evguéni Prigojine, a affirmé jeudi que ses combattants avaient conquis le petit village de Doubovo-Vassylivka, au nord de Bakhmout.
Bakhmout pourrait tomber 'dans les prochains jours', a averti mercredi le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, ajoutant cependant que 'cela ne reflète pas nécessairement un quelconque tournant dans la guerre'.
/ATS