Le National a décidé mercredi de soutenir l'initiative des paysans 'pour la sécurité alimentaire.' Une majorité UDC-PDC a prévalu par 91 voix contre 83 et 19 abstentions. La gauche a dénoncé une tentative de corriger la politique agricole en vigueur.
Le texte de l'Union suisse des paysans (USP) demande que la Suisse renforce son approvisionnement en denrées alimentaires via la production indigène. La Confédération devrait aussi prendre des mesures contre les pertes des terres cultivées.
L'UDC, le PDC et le PBD ont multiplié les interventions pour défendre le texte. Il faut assurer la souveraineté alimentaire de la Suisse, afin qu'elle soit moins dépendante de l'étranger. Le taux net d’auto-approvisionnement de la Suisse est en baisse depuis plusieurs années, a fait valoir Leo Müller (PDC/LU). En 2015, il ne se montait plus qu'à 51%.
'Nous devons importer de plus en plus de l'étranger, notamment la nourriture pour les animaux et pour la production de viande', a renchéri le paysan Hans-Jörg Walter (UDC/TG).
Le texte demande aussi que la Confédération garantisse une 'sécurité adéquate au niveau des investissements' en faveur des paysans. Mais ce changement de cap se fera sans augmentation des paiements directs, a assuré le PDC jurassien Jean-Paul Gschwind.
Inutile
Cette initiative est inutile, a plaidé en vain le chef du Département fédéral de l'économie Johann Schneider-Ammann. La sécurité alimentaire et la production durable sont déjà inscrites dans plusieurs lois. Les denrées alimentaires locales sont disponibles en permanence et en quantité suffisante.
La question des terres cultivées doit être résolue par les instruments de l'aménagement du territoire. La Confédération soutient déjà la production agricole à hauteur de 3,8 milliards de francs par an. De plus, la Suisse n'a jamais produit autant de denrées ces trois dernières années, a énuméré le ministre PLR.
Illusion et placebo
Une majorité des membres de son parti l'a suivi et s'est prononcée contre une 'illusion'. L'initiative n'améliorera pas le quotidien des paysans, a soutenu Christian Lüscher (PLR/GE). Une Suisse qui vit et produit en autarcie n'est pas réaliste, a poursuivi Beat Walti (PLR/ZH). 'Nous dépendons aussi des marchés agricoles internationaux et des importations.'
Mais plusieurs élus PLR, notamment romands, étaient d'un autre avis. Ils ont plaidé pour une agriculture 'compétitive' et déchargée des embûches réglementaires et administratives. Ce que vise l'initiative.
Le texte de l'USP laisse trop de place à l'interprétation, ont contré des orateurs du PS et des Verts. 'Un placebo avec des effets secondaires inconnus', selon Prisca Birrer-Heimo (PS/LU).
Les soutiens à l'initiative espèrent obtenir tant de choses avec ce texte, a remarqué Beat Jans (PS/BS). 'Mais personne, personne, durant les sept heures de débats, n'a fait aucune proposition concrète.'
Corriger la politique agricole
L'UDC n'a toutefois pas caché sa volonté de vouloir 'corriger les effets négatifs' de la politique agricole 2014-2017, selon les termes du Bernois Albert Rösti. L'UDC l'avait combattue en vain au Parlement. Le Conseil fédéral a lui-même reconnu les manques dans le domaine en voulant lancer un contre-projet à l'initiative.
'Après deux ans, on voit bien que les paysans souffrent, notamment d'une augmentation de la bureaucratie et des règlements'. Les aspects écologiques prennent aussi trop de place, a longuement plaidé le prochain président du parti.
Biodiversité en danger
La gauche a reproché à l'UDC de vouloir refaire le débat de la politique agricole suisse. Un renforcement de la production en Suisse tel que demandé par les initiants risquerait de se faire au détriment de la biodiversité.
La productivité de l'agriculture suisse est déjà très élevée, avec des conséquences inévitables sur les sols et les eaux, a encore rappelé Adèle Thorens (Verts/VD). Mais les principes généraux de l'initiative sont louables. Les Verts se sont abstenus lors du vote. Leur propre initiative sur les aliments équitables sera traitée prochainement au Parlement.
D'autres initiatives
Le Conseil des Etats doit encore se prononcer sur le texte de l'USP. Le texte avait fait un tabac lors de la récolte de signatures: 147'812 paraphes en un temps quasiment record de trois mois.
Outre l'initiative de l'USP et celle des Verts, une autre initiative portant sur l'alimentation est pendante. Le texte du syndicat paysan Uniterre demande que l'approvisionnement en aliments suisses soit prépondérant, en interdisant définitivement les OGM.
/ATS