Arnaud Montebourg ne laisse pas indifférent. Apprécié pour défendre le made in France ou détesté pour ses diatribes, dont la Suisse a fait plus d'une fois les frais, le politicien français est prêt à prendre sa revanche en 2017, selon une enquête fouillée.
Antonio Rodriguez, ancien journaliste pour l'Agence télégraphique suisse (ats) et actuellement en poste à Paris à l'Agence France-Presse (AFP), a suivi de près Arnaud Montebourg à Bercy. Il en a tiré un livre 'l'Alternative Arnaud Montebourg' où il relate avec un style enlevé les épisodes marquants de Montebourg au ministère du redressement productif.
Personne ne peut contester à Arnaud Montebourg un certain style et une envie d'en découdre. Il est même tellement impliqué que l'hebdomadaire spécialisé 'L'Usine nouvelle' dira: 'Un tel ministre, on n'en avait pas vu depuis Pompidou'.
Truffé de références à des scènes de films ou de bandes dessinées et d'anecdotes, cette enquête se lit comme un roman. On est dans la voiture d'Arnaud Montebourg, on l'entend passer à tabac dans le fauteuil de Bercy les patrons de l'industrie qui se moquent de l'Etat et des salariés, on ressent son ironie et son agacement.
Antonio Rodriguez a suivi Arnaud Montebourg à la trace de mai 2012, lors de la prise de fonction du politicien au ministère du redressement productif à sa sortie du gouvernement français en août 2014.
Au final, ce livre permet de découvrir des facettes de la bête politique différentes de celle de l'image qu'il peut donner dans les médias. Cette apparente schizophrénie est bien mise en lumière dans le chapitre 'Montebourg et Montebarre'.
Un patron de l'industrie y déclare. 'Il a une double personnalité (...). Quand il n'y a pas l'ombre d'un micro ou d'une caméra dans les réunions de travail auxquelles j'ai participé, j'ai vu un type intelligent, qui écoutait, qui était capable de poser des questions et débattre sans polémique, d'écouter les réponses. Pas dogmatique du tout. Mais dès qu'il y avait les médias, c'était un autre homme'.
'Un savon historique'
Arnaud Montebourg y va à fond, est sincère et quand il fonce dans le mur, comme dans le cas de la fermeture des hauts fourneaux de Florange en Lorraine, il se prend une baffe car jusqu'au bout il y a cru. A tel point qu'il en veut à François Hollande et particulièrement au premier ministre de l'époque Jean-Marc Ayrault, à qui il passe un 'savon historique' digne d'un film de Michel Audiard, selon le journaliste.
Arnaud Montebourg estime que 'la nationalisation temporaire du site n'a fait peur qu'à ceux qui manquent de courage et d'audace'. Il pense même que c'est une occasion 'gravement manquée' pour François Hollande.
Chose étonnante dans le livre, on n'y apprend que la photo d'Arnaud Montebourg en une du Parisien magazine en marinière, doit beaucoup au hasard et au sens politique du ministre. Quand les clichés devaient être pris pour illustrer le made in France, le costume ministériel confectionné en France, qui lui était réservé, n'était pas à sa taille.
En attendant qu'une solution soit trouvée, il a fouillé dans les affaires qui se trouvaient dans le studio et y a déniché la marinière d'Armor-Lux. Il l'enfile et pose devant les journalistes avec un robot de cuisine SEB.
'Un ministre qui lance un phénomène de mode parce qu'il n'a pu enfiler un costume trop petit, ce n'est pas courant', rigole-t-il. Tout en se félicitant d'avoir propulsé dans l'esprit public, la prise de conscience patriotique.
Le livre d'Antonio Rodriguez rappelle aussi que la Suisse est dans le collimateur d'Arnaud Montebourg depuis un certain temps, notamment pour y dénoncer l'évasion fiscale. Quand il apprend le projet de fusion entre le cimentier Lafarge et le st-gallois Holcim, il ne le voit pas d'un bon oeil.
Mais le patron du groupe français Bruno Lafont réussit à rassurer le ministre qui finit par approuver le mariage, car le CEO l'avait présenté comme une fusion entre égaux. C'était bien avant que Lafarge soit contraint au printemps 2015 à réviser la parité initialement prévue avec Holcim. Mais Arnaud Montebourg n'était plus à Bercy pour crier au scandale.
Une bombe prête à exploser
Pour certains, Arnaud Montebourg rappelle Yves Montand dans 'Le salaire de la peur', traînant avec lui 400 kilos de nitroglycérine. On sait que la charge va exploser, mais on ignore quand.
Il peut déclarer: 'La France n'a pas vocation à s'aligner sur les axiomes idéologiques de la droite allemande' et prendre à contre-pied François Hollande qui avait joué un jour plus tôt la carte de l'apaisement avec l'Allemagne.
Il s'en prend ouvertement au président et prépare sa sortie. La confiance est rompue et Montebourg déclare 'qu'il faut quitter la scène quand on ne sait plus jouer la comédie'. Le mercredi 27 août 2014, l'homme enlève son costume de ministre et reprend totalement sa liberté.
'Arnaud Montebourg a perdu la première manche contre François Hollande, mais il rêve de revanche. Depuis qu'il a quitté le gouvernement, il travaille à son image pour se rapprocher des Français et apparaître comme présidentiable. Il défend son bilan bec et ongles (...).
L'homme est prêt à franchir le Rubicon. Il n'a pas à jeter les dés. Juste la dernière pièce du puzzle à poser', conclut Antonio Rodriguez.
/ATS