Un essai thérapeutique a viré à la tragédie à Rennes. Un volontaire est en état de mort cérébrale et trois autres risquent un handicap irréversible. Il s'agit d'un accident sans précédent en France.
'Je n'ai connaissance d'aucun événement comparable. C'est inédit', a commenté la ministre de la Santé Marisol Touraine, lors d'une conférence de presse à Rennes. Six victimes sont hospitalisées, depuis dimanche, dans cette ville.
Pas de cannabis
L'incident est survenu dans le cadre d'un essai clinique autorisé de phase 1 sur des volontaires sains 'dans le but d'évaluer la sécurité d'emploi et la tolérance' du produit, a précisé le ministère de la Santé dans un communiqué. Des premiers tests sur des animaux, dont des chimpanzés, avaient déjà été effectués.
Un essai se déroule normalement en trois phases. Il faut au total entre dix et quinze ans de recherche entre le développement par un laboratoire d'une molécule et la commercialisation du médicament.
Le produit testé est une molécule à 'visée antalgique' (antidouleur) contenant du 'cannabinoïde', a déclaré à l'agence de presse afp une source proche du dossier. Ce médicament visait aussi à lutter contre les troubles de l'humeur. Il 'ne contenait pas de cannabis et n'était pas un dérivé du cannabis', a précisé la ministre.
Prise répétée
Au total, 90 personnes se sont vues administrer la préparation incriminée, mais à des doses variables. Les six victimes, des hommes âgés de 28 à 49 ans, ont pris le produit thérapeutique de manière répétée.
A l'arrivée de la première victime, 'on a pensé que c'était un accident vasculaire cérébral', a rapporté le médecin-chef du pôle de neurosciences de l'hôpital de Rennes, Pierre-Gilles Edan. 'Son état s'est très rapidement aggravé pour être aujourd'hui dans un état de mort cérébrale.'
Quatre autres patients souffrent de troubles neurologiques, dont trois pourraient avoir un handicap 'irréversible', a-t-il ajouté. Une sixième personne reste hospitalisée. Elle 'n'a pas de symptôme mais fait l'objet d'une surveillance attentive.'
Cause inconnue
La cause de l'accident - nature de la molécule ou son dosage - n'était pas connue vendredi soir.
L'essai thérapeutique a été conduit à partir de l'été par la société Biotrial, un centre de recherche médicale agréé par le ministère de la Santé, pour le compte du groupe pharmaceutique portugais Bial.
Créé en 1989, Biotrial réalise des tests cliniques pour le compte de laboratoires pharmaceutiques, précise-t-il sur son site internet. Il emploie 300 salariés dans le monde, dont 200 à Rennes, selon le quotidien Ouest France.
Enquête ouverte
Une enquête a été ouverte pour 'blessures involontaires' au pôle santé du parquet de Paris. Le ministère de la Santé a également ordonné une inspection administrative du laboratoire et l'Agence du médicament a décidé 'de procéder à une inspection technique sur le site'.
Strictement encadrés par la loi, les essais cliniques nécessitent en France une autorisation des autorités sanitaires. Effectués d'abord sur des sujets volontaires non malades, puis sur un nombre restreint de malades et enfin sur des centaines, voire des milliers de patients, ils visent à évaluer la tolérance ou l'innocuité du médicament et son efficacité.
Fait rarissime
Chaque année, des milliers de volontaires, souvent des étudiants, participent à de tels essais cliniques. Mais les accidents sont rares.
Parmi les précédents recensés, six hommes avaient ainsi été hospitalisés, en 2006, en soins intensifs dans un hôpital de Londres après l'essai clinique d'un nouveau traitement contre la leucémie, la polyarthrite rhumatoïde et la sclérose en plaques.
Cinq ans plus tôt, une jeune femme en parfaite santé de 24 ans était morte aux Etats-Unis alors qu'elle participait à un essai clinique d'un médicament expérimental contre l'asthme, l'hexamethonium, conduit par l'Université Johns Hopkins.
/ATS