Le Parlement se dispute encore sur l'ampleur des allègements prévus dans la troisième réforme de l'imposition des entreprises. Le National a fait quelques concessions lundi. Le Conseil des Etats dira jeudi s'il s'en satisfait.
La réforme doit sonner le glas des statuts spéciaux dénoncés au niveau international. Pour éviter que les entreprises qui en profitent lèvent les voiles, de nouvelles largesses sont prévues. Elles vaudront pour les sociétés suisses et étrangères.
Jusqu'ici, la majorité de droite du National s'est montrée très généreuse en allègements. Au point de froisser les cantons qui planchent déjà sur une baisse du taux d'imposition des bénéfices. N'apparaissant pas formellement dans le projet discuté au Parlement, cette mesure risque de provoquer un fort manque à gagner fiscal.
Dividendes
Or un manque de soutien des cantons pourrait être fatal à la réforme, vu qu'elle devra affronter un référendum de la gauche qui craint des pertes incommensurables pour l'Etat. La commission de l'économie du Conseil des Etats aurait souhaité plancher sur un compromis, mais s'est vue opposer une fin de non-recevoir.
Celui-ci était en effet basé sur une hausse de l'imposition cantonale des revenus issus de paiements de dividendes, une option qui pourrait rapporter plusieurs centaines de millions aux cantons et que le Parlement a déjà écarté.
La gauche n'a pas réussi à réinscrire cette mesure dans la réforme. C'est l'ultime moment pour compenser tous les allègements prévus, a lancé sans succès Beat Jans (PS/BS), soulignant que les cantons sont unanimes à réclamer une telle hausse. Selon la droite, les PME en feraient les frais.
Concessions
La Chambre du peuple n'en a pas moins lâché du lest en vue d'obtenir un compromis d'ici le 15 juin. La taxe forfaitaire au tonnage, qui frapperait les sociétés maritimes en lieu et place des impôts sur le bénéfice et le capital, sera discutée dans un projet distinct. Le Conseil fédéral devrait se repencher sur cette mesure, réclamée par certains cantons comme Genève, et mener une procédure de consultation. La gauche aurait préféré faire une croix définitive sur cette taxe.
Le National a aussi fait des concessions sur la recherche. Une des grandes options de la réforme est le recours à un nouveau système de 'patent box', qui devrait permettre une imposition préférentielle des revenus des brevets et d'autres droits comparables. Les cantons auront aussi la possibilité de relever les montants des déductions accordées sur les dépenses consenties en faveur de la recherche et du développement.
Un plafond général de 80% est prévu pour les allègements fiscaux liés à la patent box, aux investissements dans la recherche et à la réévaluation des réserves latentes. Le National est désormais d'accord d'ajouter une limite de 90% pour la patent box et de 150% pour la recherche.
Les députés ne tiennent par ailleurs plus à autoriser les déductions pour des dépenses de développement à l'étranger et consentent à laisser au Conseil fédéral le soin de définir les dépenses de recherche.
Intérêts notionnels
Par 129 voix contre 56, le National tient en revanche à maintenir dans la réforme un modèle d'impôt sur le bénéfice avec déduction des intérêts notionnels, qui serait facultatif pour les cantons. Selon Thomas Matter (UDC/ZH), il s'agit d'offrir une alternative aux statuts spéciaux pour les holdings et les sociétés de domicile.
Le Conseil des Etats, tout comme la gauche, s'y refuse tant qu'une contrepartie n'aura pas été trouvée. La Chambre du peuple a désormais apporté des corrections. Cet allègement entraînerait dès lors des pertes fiscales de 222 millions (et non plus 266 millions) pour la Confédération et d'au maximum 287 millions (344 millions) pour les cantons, selon des estimations basées sur un rendement des obligations de la Confédération de 2,5%.
Mais, vu le niveau bas des intérêts, cela pourrait être nettement moins voire rien. Et si la mesure attirait des entreprises en Suisse, l'Etat pourrait même y gagner, a affirmé Beat Walti (PLR/ZH). Le camp rose-vert craint en revanche que ce modèle débouche sur un puits sans fond.
Part cantonale
L'autre grande divergence porte sur l'ampleur du coup de pouce à accorder aux cantons pour affronter la facture de la réforme. Le Conseil fédéral propose que Berne éponge la moitié des pertes fiscales, soit un milliard de francs. Pour ce faire, la part cantonale à l'impôt fédéral direct (IFD) serait portée de 17 à 20,5%.
Le National a continué de soutenir cette proposition par 145 voix contre 36, la droite précisant qu'elle était prête à céder en vue d'un compromis incluant les intérêts notionnels. Le Conseil des Etats veut quant à lui que cette quote-part passe à 21,2%, ce qui rapporterait près de 154 millions de plus aux cantons.
Par 71 voix contre 66 et 49 abstentions, les députés ont renoncé à exiger que les cantons tiennent compte des effets sur les communes de la disparition des statuts fiscaux spéciaux.
/ATS