Le projet d'accord gouvernemental entre les conservateurs de la première ministre britannique, Theresa May, et le DUP nord-irlandais a suscité dimanche l'inquiétude de l'Irlande. Dublin craint en effet le 'défi' posé au processus du paix dans la région.
Lors d'une conversation téléphonique avec une Mme May déjà fortement affaiblie par son revers électoral de jeudi, le premier ministre irlandais, Enda Kenny, a fait part de sa 'préoccupation' devant le projet d'alliance entre les Tories et ce petit parti ultra-conservateur pro-Brexit.
Le chef du gouvernement irlandais, qui doit laisser sa place à son successeur la semaine prochaine, a prévenu Mme May que 'rien ne doit remettre en cause l'Accord du Vendredi saint' qui a mis fin en 1998 à 30 ans de violences en Irlande du nord.
Le Parti conservateur de Mme May a perdu sa majorité absolue lors du scrutin de jeudi et dépend désormais du DUP. Ses dix élus permettraient aux Tories (318 députés) d'atteindre les 326 sièges requis pour gouverner tant bien que mal.
Conservatisme social critiqué
La perspective fait l'objet de fortes critiques au Royaume-Uni, à cause du conservatisme social du parti nord-irlandais, farouchement opposé au mariage des homosexuels et à l'avortement. Mais aussi parce qu'un tel accord poserait la question de la neutralité du gouvernement britannique en Irlande du Nord, une région toujours soumise à de fortes tensions 20 ans après la fin des 'Troubles'.
La cheffe du DUP, Arlene Foster, a déclaré dimanche que les discussions allaient continuer la semaine prochaine pour trouver un accord, précisant qu'elle devait rencontrer Mme May à Londres mardi. A ce jour donc, le parti n'a pas encore apporté son soutien officiel.
Les réserves de Dublin s'ajoutent aux soucis de Mme May, qui reste soumise à une pression maximale. L'ex-ministre des Finances, George Osborne, l'a comparée à 'un cadavre ambulant'. 'La seule question est de savoir combien de temps elle va passer dans le couloir de la mort', a-t-il lancé, assassin, sur le plateau de la BBC.
L'ancien ministre et rival de Mme May, reconverti en rédacteur en chef du quotidien The Evening Standard, s'est ajouté à la longue liste de ceux qui estiment que la situation de Theresa May est devenue intenable depuis le revers humiliant enregistré aux législatives anticipées.
Boris Johnson en embuscade?
La presse britannique estime dimanche que Mme May pourra difficilement conserver les clés du 10 Downing Street au-delà de quelques mois. Le Sunday Times assure même que Boris Johnson se prépare à lui ravir le trousseau. Le ministre des Affaires étrangères a démenti et assuré qu'il était 'à 100% derrière Theresa May'.
Arguant d'un besoin de 'stabilité' face à l'urgence du Brexit, Mme May a refusé de démissionner. Elle a confirmé son intention de débuter, 'comme prévu, les discussions sur le Brexit dans les deux semaines', lors d'une conversation téléphonique samedi avec la chancelière allemande, Angela Merkel.
Le nouveau parlement doit siéger une première fois mardi, avant la cérémonie d'ouverture solennelle le lundi 19 juin, à la date prévue également pour lancer les négociations sur le Brexit avec Bruxelles.
Manifestation anti-DUP
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté samedi près de Downing Street en scandant: 'raciste, sexiste, anti-homosexuel, le DUP doit partir'. Une pétition dénonçant une 'tentative désespérée et choquante pour rester au pouvoir' avait recueilli plus de 680'000 signatures dimanche après-midi.
Au sein même du parti tory, Ruth Davidson, à la tête des conservateurs écossais, a réclamé des assurances en cas d'accord avec le DUP sur les droits de la communauté LGBT, elle qui a prévu de se marier prochainement avec sa compagne irlandaise.
'Soyons clair: ce n'est pas parce que le DUP accepte de nous soutenir sur les questions économiques ou sécuritaires que nous sommes d'accord avec tout leur programme', a commenté Michael Fallon, reconduit au ministère de la Défense.
Il a ajouté qu'il ne s'agissait pas de bâtir une coalition formelle avec le DUP,mais de passer un accord qui prévoit son soutien lors des votes importants au parlement, comme celui sur le budget par exemple.
Certains parlementaires estimaient pour leur part que de nouvelles élections pourraient avoir lieu avant la fin de l'année ou début 2018.
/ATS