Le président de l'Union patronale suisse (UPS), Valentin Vogt, se montre très inquiet face à la persistance du franc fort. En cas de maintien d'un euro s'échangeant aux alentours de 1,05 franc, quelque 30'000 emplois pourraient passer à la trappe, craint-il.
Ces 30'000 postes sont menacés dans un horizon à six-neuf mois, selon les projections de l'UPS rapportées dimanche dans les colonnes de la NZZ am Sonntag. Le constat, amer, tombe à quatre jours de la prochaine appréciation de la situation économique et monétaire délivrée par la Banque nationale suisse (BNS), attendue jeudi.
Le taux de chômage en Suisse pourrait pour sa part grimper à 3,6%, voire 4%, d'ici à la fin de l'année 2015, contre 3,2% en mai, selon lui. Des anticipations un peu plus pessimistes que celles données par le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO).
Des entreprises inquiètes
S'exprimant dans l'hebdomadaire alémanique, Valentin Vogt fonde ses prévisions sur les avis émanant du monde de l'économie. Selon lui, pour beaucoup d'entreprises, les commandes ont chuté de 10 à 15%. Le phénomène touche aussi des firmes pourtant actives dans des secteurs réputés disposés de perspectives favorables.
A ce titre, la NZZ am Sonntag mentionne les branches pharma et chimique ainsi que celle de l'industrie alimentaire, sur la base d'affirmations de leurs représentants. Ces activités sont traditionnellement connues pour plutôt bien résister aux vents contraires.
En avril dernier, les exportations suisses ont diminué de 5,1% sur un an à 16,3 milliards de francs. La valorisation du franc intervenue après le 15 janvier, suite à l'abolition du cours plancher de l'euro par la BNS, a notamment causé une réduction des montants enregistrés (-3,8% en avril).
Situation sérieuse
Le directeur de l'institut de prévisions conjoncturelles zurichois KOF, Jan-Egbert Sturm, confirme les tendances observées. 'La situation est sérieuse', dit-il dans l'hebdomadaire Schweiz am Sonntag. Le franc reste surévalué. L'expert suppose que la BNS n'a peut-être pas prévu que le phénomène se prolonge aussi longtemps.
Devant ces constats, Valentin Vogt demande une action du monde politique. 'A Berne, les partis n'ont pas encore pris la mesure de la gravité de la situation'. L'économie a besoin de 'signaux clairs' maintenant et pas après les élections fédérales de l'automne prochain.
'Il s'agit de trouver des solutions pratiques, qui ne détériorent pas davantage encore les conditions cadres des entreprises', avance le président de l'Union patronale.
La solution-miracle ne réside en tout cas pas dans l'instauration d'un nouveau taux plancher de l'euro, estime Joos Sutter, directeur général du grand distributeur bâlois Coop. 'La BNS doit examiner l'opportunité de lier le franc à un panier de monnaies', a-t-il détaillé dans une interview au SonntagsBlick.
La BNS pas là pour subventionner
De son côté, l'ancien vice-président de la BNS, Niklaus Blattner, juge les discussions autour de l'abandon du taux plancher stériles. Selon le Bâlois, le cours euro-franc actuel n'est pas si mauvais.
'Un cours de 1,05 franc pour un euro est tout à fait réjouissant, surtout en regard de la crise grecque qui s'aggrave', a expliqué samedi Niklaus Blattner dans une interview accordée au Tages-Anzeiger et au Bund.
En outre, pour le vice-président de la BNS entre 2003 et 2007, le soutien et l'encouragement de la compétitivité des entreprises ne font pas partie des tâches de la BNS. 'La capacité concurrentielle du pays n'est pas du ressort de l'institut d'émission mais de la politique économique', souligne-t-il.
A ses yeux, tous les problèmes du pays ont tendance à être mis sur le compte la suppression du taux plancher. Or la banque centrale n'a pas pour mission de subventionner les cours de change sur la durée.
/ATS