L'économie devrait bénéficier de nouvelles largesses fiscales pour pallier l'abolition des privilèges accordés aux sociétés étrangères. Le Conseil des Etats a même chargé davantage le bateau lundi dans le cadre de 3e réforme de l'imposition des entreprises.
La réforme a été lancée sous la pression de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l'UE. Celles-ci ne veulent plus de la concurrence 'déloyale' qui fait bénéficier en Suisse les sociétés étrangères de statuts spéciaux. Ces derniers vont donc disparaître.
Problème: cette imposition rapporte deux milliards de francs aux cantons et 3,2 milliards à la Confédération. Vaud et Genève en tirent notamment profit. Dans le seul Arc lémanique, un tiers des emplois est lié aux multinationales, a rappelé Géraldine Savary (PS/VD).
Pour ne pas tuer la poule aux oeufs d'or, le Conseil fédéral propose de recourir à de nouvelles largesses dont pourraient profiter toutes les entreprises. Mais leur ampleur divise les esprits. La droite aimerait exploiter davantage le filon.
Menace de référendum
La gauche brandit quant à elle la menace d'un référendum, estimant que le projet se rapproche trop d'un cadeau fiscal à l'économie. Il faut éviter le traumatisme qui a entouré la dernière réforme, a souligné Mme Savary.
Selon la gauche, l'exercice devrait se boucler avec le moins possible de pertes. Avec le projet remis par le gouvernement, celles-ci sont estimées à deux milliards de francs, dont environ 1,3 milliard à charge de la Confédération.
Ce manque à gagner sera épongé par des programmes d'économies. Au final, la population en fera les frais via la baisse prévue des prestations de l'Etat, a critiqué Christian Levrat (PS/FR). Et de plaider pour davantage de mesures compensatoires dans la taxation des entreprises.
A défaut, plusieurs orateurs, dont le président de la commission de l'économie Roberto Zanetti (PS/SO) et la ministre des finances Eveline Widmer-Schlumpf, ont appelé à ne pas trop charger le bateau.
Dividendes
Sans succès à droite. Les sénateurs ont rejeté par 26 voix contre 19 une hausse de l'imposition des dividendes, qui rapporterait 100 millions à la Confédération et 330 millions aux cantons. Cette mesure frapperait avant tout les PME et les entreprises familiales, a critiqué Pirmin Bischof (PDC/SO).
Le Conseil fédéral voulait harmoniser le dégrèvement et le limiter à 30% du montant imposable, le taux de participation minimal pour en bénéficier restant fixé à 10%.
Pas touche au droit de timbre
La droite ne s'est en revanche pas imposée concernant la suppression du droit de timbre d'émission sur le capital propre. Par 26 voix contre 19, le Conseil des Etats a fait une croix pour l'instant sur cette vieille requête du Parlement qui coûterait 228 millions à la Confédération. Celle-ci pourra ainsi davantage soutenir les cantons.
Sans correction, ces derniers devraient assumer 80% des pertes fiscales. Le Conseil fédéral voulait leur reprendre la moitié de ce fardeau, un geste jugé insuffisant par les cantons. Les sénateurs devraient être sensibles à leur appel. Concrètement, il s'agira d'augmenter la part cantonale à l'impôt fédéral direct (IFD) non pas de 17 à 20,5%, mais à 21,2%.
Plusieurs instruments
La réforme de l'imposition des entreprises mise sur plusieurs instruments. Un système de patent box, qui devrait être conforme aux normes internationales, permettra une imposition préférentielle des revenus des brevets et d’autres droits comparables.
Les cantons auront aussi la possibilité de relever les montants des déductions accordées sur les dépenses consenties en faveur de la recherche et du développement. Ils pourront en outre introduire des allégements ciblés dans le cadre de l’imposition du capital.
Autre possibilité offerte aux cantons: baisser le taux d'imposition du bénéfice des entreprises, qui varie fortement d'une région à l'autre. Selon Eveline Widmer-Schlumpf, le taux moyen devrait baisser de 22% à 16%. Certains, comme Vaud qui prévoit une baisse de 22,8% à 13,8% dès 2019, ont déjà pris les devants. Mais les citoyens vaudois seront appelés à trancher.
/ATS