La correspondance inédite entre l'écrivain autrichien Stefan Zweig et un jeune Allemand de 16 ans révèle le caractère paternel inattendu du célèbre auteur. Il était notamment très inquiet du sort des juifs en Europe.
Une femme de 90 ans, habitante de Bat Yam au sud de Tel Aviv sur la Méditerranée, a récemment fait don d'un lot de 26 lettres et cartes postales de l'écrivain à la Bibliothèque nationale d'Israël. Ces missives avaient été envoyées au beau-père de Hannah Jacobson par l'écrivain sur une période de 12 ans à partir de 1921.
Ce beau-père, Hans Rosenkranz, avait 16 ans lorsqu'il écrivit et reçut une réponse de Zweig, âgé alors de 40 ans et au sommet de la gloire littéraire qui devait se prolonger avec des oeuvres comme 'Le Monde d'hier', des nouvelles comme 'Le Joueur d'échecs', et les biographies de Fouché et Marie-Antoinette.
Bientôt numérisées
Le monde universitaire n'avait jusqu'à présent pratiquement eu aucun accès à la correspondance entre Zweig et Rosenkranz, indique Stefan Litt, archiviste chargé du fonds Zweig à la Bibliothèque nationale. 'C'est vraiment une découverte, pas seulement pour les chercheurs, mais pour l'ensemble du public', selon lui. La Bibliothèque devrait prochainement numériser ces échanges et les poster sur son site.
Dans ses premières lettres, l'auteur de 'la Confusion des sentiments' dispense à Rosenkranz ses conseils sur la façon de faire face à la vie en tant que jeune juif en Allemagne. 'Le juif doit être fier de sa judaïté, et s'en glorifier' sans pour autant tirer vanité des réussites du peuple juif, écrit Zweig.
L'intellectuel était un pacifiste qui se considérait comme un citoyen du monde et non un sioniste, ce courant oeuvrant à l'établissement d'un Etat national juif en Palestine.
Dans une autre lettre, Zweig décourage le jeune homme d'immigrer en Palestine, alors sous mandat britannique, là où l'Etat d'Israël devait voir le jour en 1948, et lui recommande d'apprendre les langues étrangères. 'Qui sait, peut-être l'atmosphère deviendra-t-elle si étouffante en Allemagne et en Europe que l'esprit libre ne pourra plus y respirer', écrit Zweig.
'Une sorte de renaissance'
Dans un autre courrier, Zweig loue Theodor Herzl, grande figure du sionisme moderne, qui 'lui permettait de publier des écrits littéraires dans la Neue Freie Presse', le journal où Herzl oeuvrait lui-même, indique M. Litt.
Au-delà du contenu des lettres, le seul fait de leur existence même en dit long sur Zweig. 'Ce qui est frappant ici, c'est que Zweig a pris le temps de répondre à ce jeune homme, qui, après tout, n'avait que 16 ans quand il a écrit à Zweig', déclare l'archiviste. Les deux correspondants se sont rencontrés deux fois. Au fil des ans, Zweig conseille Rosenkranz professionnellement.
Pour M. Litt, la donation est passionnante non seulement pour les chercheurs, mais aussi pour le grand public, auprès duquel Zweig est 'en train de vivre une sorte de renaissance'. Zweig lui-même n'a pas eu d'enfant.
/ATS