Le Salon du livre de Genève est le grand rendez-vous de la littérature, mais aussi de l’écriture. Une centaine de férus d’orthographe participaient samedi à la Grande dictée du salon.
'Même le folliculaire qui l’avait tant de fois éreinté dans des articles d’une rosserie inouïe l’applaudissait avec ostentation'. Cette phrase alambiquée est issue de la Grande dictée du Salon du livre de Genève. L’auteur et dicteur de ces mots n’est autre que Francis Klotz, organisateur de l’événement et couronné champion du monde de la discipline en 1988.
Dans une salle de Palexpo samedi matin, à quelques mètres de l’agitation de la foire littéraire, le silence est de mise. Durant cinquante minutes, les stylos-billes crissent sur les fameuses feuilles lignées au rythme de la dictée. Dans l’assemblée, une centaine d’amoureux des lettres venus se mesurer lors d’un exercice orthographique et grammatical de haut vol.
Lecteurs de dictionnaire
Car si la dictée rappelle les bancs d’école, le niveau de difficulté s'adresse, quant à lui, aux initiés. Parmi les participants, tous sont de grands lecteurs ... de dictionnaire. En outre, certains passionnés avouent être des professionnels de la traduction ou de la correction de textes.
'Je m’attends à devoir écrire des mots que je n’ai jamais entendu', confie Carole Cattin, pourtant ex-championne suisse junior et habituée des dictées depuis plus de 10 ans. De son côté, Miliutin Roman, 13 ans, est détendu. 'J’ai toujours des bonnes notes à l’école donc je pense que ça ira. Je me suis juste préparé en faisant une dictée au pif avec ma mère', raconte celui qui, comme les autres jeunes, déposera sa plume après la 7e ligne.
Pour les autres, de 19 à 99 ans, ce sera 30 lignes et tout autant de défis orthographiques : 'exorbitant', 'acariâtre', 'boui-boui', 'courroucé' ou encore 'sens dessus dessous'. Le dicteur a bien choisi ses mots. 'Francis Klotz est retors. Sur toutes les dictées qu’il a écrites durant sa carrière, il n’y a eu que très peu de zéros fautes', commente Daniel Fattore, candidat du jour et lui-même auteur de dictées en France.
Tchékhov, avec un H
S’il juge le niveau moins difficile que lorsque l’événement faisait office de demi-finale du championnat helvétique, Francis Klotz a toutefois veillé à glisser quelques subtilités. 'Le texte que j’ai rédigé raconte l’histoire d’un acteur qui fait ses adieux à la scène. J’y ai volontairement ajouté les noms compliqués de Tchékhov et de Beckett. L’occasion de faire deux jolies fautes...', divulgue-t-il, malicieux.
Et si cela ne suffisait pas à départager les plus doués, le dicteur a imaginé deux phrases subsidiaires, dont la suivante : 'L’histrion courroucé abhorrait les vivats et les hurrahs du public éméché'. A vos stylos.
/ATS