L'artiste allemand Georg Baselitz expose à partir de dimanche ses dernières oeuvres au musée Unterlinden de Colmar (est de la France). Ces réalisations monumentales et inédites, aux fameux motifs renversés, interrogent son rapport au corps vieillissant.
'Corpus Baselitz', titre de l'exposition ouverte jusqu'au 29 octobre, est la première et seule manifestation en France consacrée aux dernières créations de cet artiste majeur contemporain. Elle a lieu à l'occasion de son 80ème anniversaire marqué par des rétrospectives en Allemagne, en Suisse et aux Etats-Unis.
Cet enfant terrible de l'art allemand présente à Colmar 70 de ses oeuvres - peintures, dessins et sculptures - créées ces quatre dernières années. Des pieds, des jambes, des corps nus de face, de dos, allongés, assis ou qui marchent: dans ses grands formats, Baselitz témoigne de son 'obsession du corps mis à nu' pour se représenter, la tête renversée, seul ou avec son épouse Elke.
Tons pastels
Dans ses oeuvres exposées dans les 800 m2 du nouveau bâtiment de cette galerie installée dans les anciens bains municipaux, Baselitz dévoile une 'peinture sombre' mais 'énergique', qui montre un 'corps morcelé', 'amputé', 'scarifié' et 'meurtri par l'âge', souligne la conservatrice du musée et commissaire de l'exposition Frédérique Goerig-Hergott.
Des tons pastel ont remplacé les couleurs vives de sa palette des années 1970 et colorisent des corps peints en blanc sur fond noir, un travail de couches superposées et de pulvérisation.
'Je ne voulais pas faire l'erreur de faire quelque chose dans la condition du déclin, qu'on se dise, que oui, cet homme n'a plus de forces physiques, (ses) capacités intellectuelles faiblissent', a expliqué Baselitz lors d'une présentation de son travail à la presse.
'J'ai essayé - à travers une étude et avec un contrôle scrupuleux dans l'histoire -, d'identifier toutes les oeuvres des autres consacrées à la vieillesse. Il me fallait connaître les erreurs des 'ennemis' afin que j'en fasse moins, et d'éviter ces erreurs. Et espérons-le, j'y suis parvenu', souligne-t-il.
Représentation assagie
Ce pourfendeur des conventions s'interroge aussi sur sa place dans l'histoire de l'art, avec comme point de départ les deux expositions consacrées à Picasso, en 1970, et peu après sa mort, en 1973. L'auteur de Guernica s'était attiré les foudres des critiques qui avaient qualifié ses derniers dessins de 'barbouillages' obscènes, mis sur le compte d'une prétendue sénilité.
Né en 1938 à Deutschbaselitz (Saxe), commune dont il a tiré son nom d'artiste, Georg Baselitz né Hans-Georg Kern, s'est fait connaître pour des peintures provocantes réalisées au début de sa carrière.
Un demi-siècle après avoir fait scandale en Allemagne avec des toiles montrant des sexes en érection, Baselitz témoigne d''une représentation complètement assagie, avec toujours cette énergie qui contrebalance cette impuissance apparente', relève Mme Goerig-Hergott.
En 1963, lors de sa première exposition personnelle dans une galerie de Berlin-ouest, ses oeuvres 'La grande nuit foutue' et 'L'homme nu' avaient provoqué un scandale. Elles avaient été confisquées par les autorités qui les avaient qualifiées de 'cochonneries', avait raconté l'artiste dans un entretien en 2011.
Hochets à tête de mort
Les peintures de Baselitz sont traversées par une 'lumière qui suggère quelque chose de la mort et de la résurrection (...) On le voit partir, quitter la scène, traversant un rideau', ajoute la conservatrice.
Contraint d'arrêter de sculpter en raison de son âge, Baselitz présente aussi ses trois dernières pièces: des jambes de femmes sur talons aiguilles en tipi évoquent 'quelque chose de l'origine du monde de Courbet', et deux imposants hochets noirs à têtes de mort, taillés à la tronçonneuse, 'la vie qui perdure', l'enfance, la mort.
/ATS